Lettre de Claudio Lavazza (2004)

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Lettre de Claudio Lavazza, écrite pour les deux jours contre la répression à Rome les 21-22 août 2004 — 28 juillet 2004

[Du module FIES de Huelva (espagne), une lettre du compagnon italien Claudio Lavazza, écrite pour les deux jours contre la répression à Rome les 21-22 août 2004 (il devait initialement se tenir un camping d’une semaine à Latina)]

Huelva, 28 juillet 2004

Chers compagnon/nes de Latina, j’ai reçu votre lettre et le texte qui l’accompagnait…

Ma grande surprise a été l’usage de la langue espagnole, une bonne initiative qui démontre que vous êtes à la hauteur des circonstances, avec déjà la conscience de la situation que nous vivons ici à l’intérieur de ces modules d’isolement (FIES), avec des mesures d’interception et de contrôle de la poste permanentes, une chose qui en soi empêche une fluidité dans les relations épistolaires ; et si on ajoute à cela en plus l’usage de notre langue (l’italien) et le temps de la traduction de la direction centrale qui va avec, cette relation en serait tellement prolongée qu’elle en deviendrait inutile. J’apprécie beaucoup votre initiative parce qu’elle fait fondamentalement partie de ce qui est le concept de lutte antiautoritaire…

La prison est un symbole de l’oppression, sans les prisons toute la structure de l’Etat cèderait, c’est une arme efficace qui (parfois) sans même être utilisée fait peur, rien qu’à en entendre parler. Je ne parviens pas à m’imaginer un système de domination sans les prisons, quasiment tous les systèmes en ont la nécessité, comme de l’armée ou encore des frontières. Ainsi, n’importe quelle initiative qui représente un danger pour cette institution sera réprimée avec une dureté maximale, comme s’il s’agissait de troupes ennemies envahissant le territoire.

Le contrôle et la vigilance sont extrêmes, tout comme les manipulations ; il ne faut pas oublier qu’avant que cette lettre ne parvienne entre vos mains, elle sera analysée à fond par un groupe d’experts du Ministère de l’Intérieur, elle sera photocopiée et archivée sur disque dur, et s’ils pensent que c’est opportun ils vous la feront parvenir pour l’utiliser à fins de manipulation. Oublier cela, c’est oublier que ce sont des hommes qui servent l’Etat et l’autorité, toujours prêts à criminaliser toute initiative dissidente. Evidemment, dans la logique de notre pensée, une société juste n’aurait pas besoin de prisons ni d’appareils policiers et judiciaires pour obliger les gens à respecter les lois. Une évolution de l’être humain au niveau éthique existentiel serait suffisante, que tous aient l’opportunité de se joindre à elle [cette société], que chacun se rende compte de cette nécessité et se réapproprie de lui-même les moyens dont il a besoin… sans qu’aucun Etat ou parti les lui concède sans lutter. Mais tout ça… on le sait… appartient à un monde nouveau qui arrivera sans doute un jour, même si probablement nous ne serons plus là pour le voir, si bien qu’abattre les murs de toutes les prisons appartient au monde des songes ; entre temps, la réamlité est faite de murs toujours plus hauts, d’isolements toujours plus raffinés, des silences d’une conscience de classe à réveiller, de compagnons qui sacrifient et ont sacrifié leur vie pour dénoncer au monde “libre” la destrucxtion qu’ils vivent ici à l’intérieur.

Plus que de paroles retentissantes sur les luttes radicales, il faudrait connaître à fond la réalité des prisons, leurs contradictions et leur diversité. En premier lieu, les partisans de luttes sans position réformiste sont une petite minorité enfermée et isolée comme une bête féroce, ils vont d’une prison à l’autre sans avoir de contacts avec les autres prisonniers ; et je peux vous dire que malgré leur refus radical du système pénitentiaire, ils n’excluent pas les réformes du système et dans une certaine mesure une médiation. Sans remonter à loin, quand nous avons commencé la campagne de lutte en 1999, qu’avions nous demandé ?… l’application de quelques articles du code pénal, ceux qui prévoyaient la libération des malades en phase terminale, celle des personnes ayant déjà purgé 20 années, le rapprochement de la localité d’origine, l’abolition du FIES en application de la décision du tribunal constitutionnel du 15 septembre 1994 (l. 241/1994), décision qui avait uniquement suspendu l’application du régime FIES aux deux prisonniers requérants.

Tout cela, qu’est-ce, sinon des pétitions réformistes ? Je ne vois là aucune “pétition révolutionnaire”, je me sens ridicule de me définir anarchiste et de demander en même temps l’application des lois d’un autre tribunal d’Etat… mais c’est ce qui existe, et c’est ce que nous avons ici à l’intérieur : ou nous sommes suffisament forts pour demander avec autorité des changements à l’Etat, ou il vaut mieux se taire et ne pas utiliser de mots dénués de sens, vu les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Ici, à l’intérieur, les anarchistes ne sont rien ; personnellement, je ne suis pas et je ne me sens pas être une avant-garde, je fais partie de tous les prisonniers sociaux et s’il est question de créer une caisse de solidarité permanente, elle serait destinée à tous les prisonniers en lutte, même si les luttes ne sont pas radicales, ce qui à mon avis ne veut pas dire pour autant manifester son désaccord en utilisant des méthodes prévues par la bureaucratie, ni avec des grèves de toutes sortes… faim, promenade, propreté, etc… comme on l’a déjà fait plusieurs fois et qui n’ont donné aucun résultat.

Votre proposition est bonne, mais elle nécessite une connaissance spécifique, c’est pour cela qu’il y a besoin de recueillir des contributions écrites, pour que les prisonniers vous disent eux-mêmes avec toute leur sincérité ce qu’ils voient autour d’eux, sans alimenter de fausses illusions. Les luttes contre les prisons ne servent à rien si entre autre nous ne sommes pas capables d’éviter le prolongement de la torture blanche… l’isolement… Ce fut une grande anticipation, le colloque contre la torture et l’isolement pénitentiaire qui eut lieu les 19-21 décembre 2002 en Hollande, et où les 53 représentants des pays présents ont défini “l’isolement comme une des formes les plus extrêmes de la répression, comme les desaparecidos et comme la torture physique et l’assassinat”. Ce fut un bon début, mais après, on en a plus entendu parler… Pourquoi ?… Ce serait un travail sérieux à porter en avant que de chercher à faire prendre conscience et impliquer tous ceux qui sont sensibles sur un sujet qui ne permet ni silence ni oubli. Isolement égale mort, cette phrase, je vous l’assure vaut pour nous prisonniers plus que l’irréalisable “Abattre les murs de toutes les prisons”.

A la prochaine, une forte accolade.

Claudio

Claudio Lavazza
cp Huelva
crta La Ribera S/N
Mod. 16 FIES
21 610 Huelva
Espagne

http://toutmondehors.free.fr/fies/lavazza280704.html

 

Trois anarchistes italiens et un espagnol incarcérés en ESPAGNE : rompre l’isolement

Un rêve d’une vie libre

Le rêve d’une vie libre, autogérée : jamais je ne renoncerai à cela, et jamais je ne renoncerai à lutter. Se résigner, c’est un suicide au quotidien. Je veux vivre ici et maintenant ; comme l’écrit un anonyme sur les murs «nous sommes trop jeunes pour attendre et attendre quoi ?».

Les obstacles ne se renversent pas tous seuls, on a besoin de les détruire, en ouvrant les yeux et en respirant l’air frais… En respirant à pleins poumons le vent subversif, celui qui n’a jamais empêché de crier vers le ciel silencieux ses raisons profondes d’être son amant passionné de liberté. Un amant, avec les mêmes ardeurs qu’au premier jour, exprime la passion avec sa plus grande force, comme la dynamite, grande comme les abysses de la mer.

Acceptez-nous comme nous sommes ! Cette force, cette richesse de sentiments que nous portons en nous, ce juste et noble idéal dans lequel nous puisons la révolte, la violence libératrice qui nous rançonne et nous émancipe socialement, seulement ainsi se détruira la pyramide anti-sociale qui nous opprime. Et nous saurons jouir et apprécier l’authentique paix, l’harmonie qui aujourd’hui ne trouve pas d’espace dans ce territoire de mort où tout ce qui vit est écrasé par des lâches armés, en fonction dans l’Etat capitaliste.

A quoi servent les meilleures paroles… la dialectique avec les ennemis de la vie et de la liberté, la propagande des idées, si elles ne se transforment pas en analyses et action directe ? Cette douleur et cette souffrance que nous entendons, nous ne devons pas les anesthésier, ni les masquer, ni les encadrer historiquement, qu’elles servent d’aliments à nos passions ! Qu’adviennent la liberté et le bonheur. C’est vraiment la force de l’action. Et que ce ne soit pas sous le mode du ressentiment ni du consensus social, mais que ce soit le plus possible le désir du coeur.

Dans les yeux la liberté, dans le coeur, l’anarchie ! Aujourd’hui comme hier, nous continuons de les menacer et de les viser avec les armes, les terroristes ! Amour révolté et anarchie pour tous les compagnons morts !

A Luigi, Soledad, Eduardo et tant d’autres

Nous sommes anarchistes et nous sommes complices de toutes ces personnes qui, de leur révolte, révolte individuelle et permanente, attaquent sans médiation et sans limite toutes les formes d’oppressions, autorité et commandement, en utilisant à chaque instant les moyens que nous jugerons les plus opportuns. Nous considérons, comme responsables de cette criminalisation des anarchistes, tous ceux qui utilisent leur propre pouvoir pour nous opprimer, de la police aux journaux en passant par les banques, l’Etat et ses complices. Nous espérons que la solidarité et le soutien mutuel entre les anarchistes ne sont pas de façade. Nous propagerons l’attaque diffuse contre toutes les formes de pouvoir.

De Michel Pontillo et des autres du braquage de Cordoba

De Michel, nous pouvons seulement dire qu’il est évident qu’il a participé à un braquage pour des motifs personnels. Avoir deux fils et ne pas vouloir courber l’échine pour deux sous ne nous paraît pas un sentiment incompréhensible. Si après, avec l’argent, il avait voulu soulager le malheur des autres, cela ne nous aurait pas étonné outre mesure, le connaissant. A lui, à Lavazza et à Rodriguez, nous pouvons contester deux autres vols à Albacete et l’assaut du Consulat de Malaga. Michel écrit que le Conseil des Ministres a concédé l’extradition de Lavazza, qui après les procès, sera renvoyé en Italie. Dans la prison de jaen, où ils se trouvent avec Barcia, ils continuent une grève du «patio», donc ils restent en cellule en permanence, pour protester contre les conditions de vie inhumaines qui leur sont faites. Il écrit encore que l’état de santé de Rodriguez va encore en s’améliorant (un projectile dans le cou) mais qu’il ne réussit pas encore à écrire car il a la main droite paralysée.

Ecrivez et faites circuler votre solidarité

Les quatre de Cordoba sont, à l’heure d’aujourd’hui, enfermés au secret sans les droits élémentaires, courrier, soins et tous les minimums. Ils sont des otages de la vengeance de l’Etat Espagnol.

Michel Pontillo, Carcel Provincial de Villabona, Apdo.33271, Gijon (Asturias), Espana.
Giorgio Eduardo Rodriguez, Centro Penitenciario Topas, Carretera Gijon, Sevilla, Km314, 37799 Espana.
Giovanni Barcia et Claudio Lavazza, Prison Provincial de Jaen II Carretera Bailen-Motril Km28, 23080 Jaen, Espana.

Texte reçu par la CASAIE : 3, rue Pelleterie, 26 000 Valence

Extrait de Cette Semaine #78, oct/nov 1999, p.19