VITTORIO PINI

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VITTORIO PINI

–Extrait du plaidoyer de Vittorio Pini lors de son procès en 1890

 –Il a détruit la société tant qu’il a pu, comme il a pu

Panégyrique de Vittorio Pini

 

Extrait du plaidoyer de Vittorio Pini lors de son procès en 1890

Nous, anarchistes, c’est avec l’entière conscience d’accomplir un devoir que nous attaquons la propriété, à un double point de vue : l’un pour affirmer à nous-mêmes le droit naturel à l’existence, que vous, bourgeois, concédez aux bêtes et niez à l’homme ; le second pour nous fournir le matériel propre à détruire votre baraque et, le cas échéant, vous avec elle.

 

Cette manière de raisonner vous fait dresser les cheveux, mais que voulez-vous ? C’est ainsi et les temps nouveaux sont venus.

Autrefois le meurt-la-faim qui s’appropriait un pain, traduit devant vos pléthoreuses personnes, s’excusait, demandait pardon, reconnaissait avoir commis un délit, promettait de mourir de faim lui et sa famille plutôt que de toucher une seconde fois à la propriété d’autrui et avait honte de montrer sa figure.

Aujourd’hui, c’est bien différent ; les extrêmes se touchent et l’homme, après être tombé si bas, se relève : traduit devant vous pour avoir fracturé les coffres-forts de vos compères, il n’excuse pas son acte, mais le défend, vous prouve avec fierté qu’il a cédé au besoin naturel de reprendre ce qui lui avait été précédemment volé : il vous prouve que son acte est supérieur en morale à toutes vos lois, qu’il se moque de vos cris et de votre autorité et, malgré vos accusations, vous prouve que les voleurs, ô messieurs les Juges ! sont vous et votre bande bourgeoise.

C’est justement mon cas. Soyez-en certains, je ne rougis pas de vos accusations et j’éprouve un doux plaisir à être appelé voleur par vous.

Vittorio Pini.

 

l a détruit la société tant qu’il a pu, comme il a pu

Panégyrique de Vittorio Pini

Nous entrons en pleine période révolutionnaire ; il semble que les dernières catastrophes où doit fatalement s’engloutir une société basée sur la “Propriété”, mère du vice, du crime et mensonge, soient imminentes. Tout se disloque à vue d’oeil. Cette situation a pour premier résultat de classer définitivement les hommes en partisans ou en ennemis de “l’Autorité”, unique protectrice de la propriété.

 

Il cri résulte que les actes du compagnon Ravachol, les persécutions qui les ont suivis ont plus que triplé le nombre des anarchistes : en effet, tout ce qui était sincèrement révolutionnaire sans oser pousser jusqu’à l’anarchie a senti, comme moi, par exemple , que l’heure des hésitations était passée, qu’il fallait décidément adopter la théorie libertaire avec toutes ses conséquences. En outre, une foule de braves gens que l’apparente inertie des anarchistes paralysait, sont carrément venus à l’anarchie dès qu’ils l’ont vue agir.

Cette heure décisive, qui est peut-être la plus grave, la plus solennelle du siècle, les faux révolutionnaires l’ont tout naturellement choisie pour s’évader de la révolution : les grands pontifes du collectivisme, du marxisme et autres despotismes maquillés de vermillon, voyant la révolte se dresser debout menaçante, lui ont jeté l’anathème. Chaque moellon détérioré leur a arraché des larmes. Ils ont poussé des cris épouvantables en parlant “d’innocentes victimes”, eux qui tous les ans, vont porter des couronnes au mur sanglant ! Jésuites de robe rouge et jésuites de robe noire ont fait chorus. Et nous avons encore dans l’oreille les paroles de M. Guesde confiant au plus réactionnaire des organes que “les anarchistes sont tous des fumistes, des fous ou des policiers “.

Dans ce concert de malédictions, le nom de Pini a été prononcé. Pour les braves révolutionnaires en chambre qui hurlent en petit comité leur pitoyable “Delenda Carthago” ; et qu’il faut détruire la société “par tous les moyens”, Pini est un vulgaire voleur. Pourquoi ? Parce que, selon leurs recommandations, il a détruit la société tant qu’il a pu, comme il a pu !

Voleur ? Soit ! (…)

Le droit au vol, c’est tout simplement le droit à la vie, ce fameux droit à la vie proclamé par les plus modérés des socialistes, reconnu par tous les philosophes, même avant l’apparition du struggle for life.

De deux choses l’une : ou nous reconnaissons aux possesseurs de richesse le droit de nous tuer, nous, les gueux, ou nous leur dénions ce droit. Le possédant est l’employeur. I1 peut donner ou refuser du travail ; c’est-à-dire qu’il peut condamner à mort une foule de gens. Quelle mort ! La mort par la faim.

Si nous leur reconnaissons ce droit, il vaut mieux nous suicider tout de suite. Si nous ne le leur reconnaissons pas, nous devons proclamer la légitimité du vol.

Voyons : que voulez-vous que fasse un individu qui n’a pas d’ouvrage, qui a mis au Mont-de-Piété tout ce qu’il possédait, a vendu les reconnaissances, a épuisé son crédit partout et n’a pas d’ami qui veuille lui prêter dix sous ?

S’il se tue, c’est un imbécile : il faut pourtant qu’il vive. Donc, il faut qu’il vole. Devra-t-il se contenter de voler un pain pour donner raison au Claude Gueux de Hugo ? Mais alors il faudra donc qu’il recommence à risquer sa liberté à chaque repas ?

Ces messieurs des révolutions futures – toujours futures pour eux ! – disent bien qu’il faudra “exproprier”, mais en masse. C’est, parbleu, qu’ils peuvent attendre. L’homme qui a faim ne peut pas attendre, lui !

Élevons un peu la question. On peut avoir besoin d’argent, tout en n’ayant pas faim – comme Pini. Devra-t-on, faute d’argent, ne rien entreprendre, renoncer à toute une oeuvre, abandonner une propagande nécessaire ?

Ah ! non, mille fois non ! Il n’y a qu’à imiter les bourgeois qui volent des millions et des milliards. Seulement les anarchistes y mettent plus de crânerie ; Ils n’ont pas le code pour eux !

Voilà ce que nous enseigne la vie de Pini.

Texte anonyme publié dans L’anarchie.

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