Numéro Zéro de la Brochure PASTICHE – Introspection Révolutionnaire et synthèse critique du milieu Autonome

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PASTICHE voudrait faire lien. Une vue d´ensemble offerte à qui voudrait encore s´affranchir des affreuses compétitions de chapelles, des tournois idéologiques stériles, des actions survoltées au service d´une autosatisfaction fatalement desuette. Ce numéro Zéro est voué à solliciter le Pourquoi, un pourquoi absent, ignoré, vaincu, ici compris comme origine de toute activité révolutionnaire.

PASTICHE tente d´entreprendre une réflexion aussi critique que concise concernant le milieu militant, autonome et libertaire. C´est dans les entrailles de la radicalité présomptueuse que se sont figés un certain nombre de ces constats. Au vu de la concurence réactionnaire et confusionniste, au vu du peu d´efficacité que nos survivances s´emploient à reléguer aux justifications toujours commodes, au vu du nombre d´autocritiques confinées au rôle de décorations plus hypocrites que concrètes. PASTICHE tente une articulation entre vécu, théories et anecdotes historiques ; surement trop didactique, trop stylisé, schématique ou sommaire, PASTICHE est un outil critique uniquement voué à son propre dépassement.

« Je ne pourrais pas me contenter de considérer le monde comme un enchevêtrement d´événements parmi lesquels je ne ferais que passer, comme on passe dans le labyrinthe de ces grands magasins où, après y avoir pénétré, on ne circule qu´en pensant à en sortir. »

Voltairine de Cleyre, 1897.

Ne plus se demander pourquoi,

c´est la tâche que nous semblons devoir accomplir sans réserve.
Les adultes, leur bonheur capitonné, leur socialisation sinistre…
Iels mâchent les mots d´un autre, journal du soir ou propagande,
et les déversent à la figure de ceux qui ont encore la patience de feindre l´écoute.

Nous, enfants, la raillerie vive et la curiosité alerte,
n´avions que nos pourquoi pour réponses.

Les temps ont changé. L´humeur semble être à l´exclamation faussement certaine, surjouée, aux monologues de la plainte et aux récits égotistes qui donnent encore substance à ce que les spécialistes nomment toujours « communauté nationale ». Une communauté, abstraite, qui porte en elle des générations moins affables qu´accablées, engourdies ou soumises, à la peine hypertrophiée et au manque d´intentions concrètes. Quelques impulsivités rétives, tout de même, quelques provocations crânes subsistent, mais clairement vouées à leur propre gloire, narrative. On y reconnaît volontiers une indignation ordinaire, une insatisfaction parfois combative, des caillassages et des troubles à l´ordre public, mais là encore par amour du jeu, de la vengeance ou du geste. Une vigueur infantile. Un soufflé, d´adrénaline et de revendications fugaces, circonscrites.

Rien d´autre.

Pourquoi ?

La question n´est pas vaine, même si, en ces temps de lassitude contagieuse, l´organisation n´est plus à la fête ; mais le silence… et toute sa piètre mise en scène.
Le silence, là, lorsque nous sommes censé être « ensemble », lorsque nous voulons encore nous en persuader.

(Refrain)

Le silence des transports en commun mesure toute notre incapacité à dépasser l´isolement, nous sommes là, et pourtant tout semble indiquer le contraire.

Il n´y a plus que les touristes pour aller questionner l´inconnu, les gamins indomptés pour nous sortir du coma collectif, encore, ces quelques marginaux à la guitare sèche, aux veines marquées de rancœurs, pour venir entacher l´accalmie des passagers dont les mains simulent déjà l´exaspération.

Des rictus crispés, des absences dans la rétine, des attentes suspendues aux gadgets numériques, aux torchons gratuits qui circulent des prunelles aux consciences, des consciences aux ordures, résidus de mémoires dans le fond des décharges. La raison, polluée ; chaque matin.

Pourquoi ?

Les foules se dispersent, se rassemblent, se fluidifient sans rencontre. Fuite, Esquive, Empressement. La solitude est patente, elle est une des rares sensations que nous maintenons encore en « commun ».

Pourquoi ?

Nous aimerions comprendre, l´horloge nous fait défaut, les écrans nous appellent, les loisirs nous tentent, les objets nous séduisent ; éloge des marchandises…même vivantes.

Derrière chaque vitrine, le fétichisme de la contrainte. Cuir, chrome, plaqué or, peau de pêche, à l´ancienne, design, ethno, équitable ; satisfaction et frustration s´embrassent dans un même élan gâté.

On renifle la mort dans toutes les rues marchandes, dans tous les centres commerciaux, dans tous les musées, toutes les attractions monnayables ou à prix libre. Et pourtant, les grimaces en forme de sourire semblent fleurir sous chaque aigreur répétée, sous chaque épreuve manquée, chaque défaite banale… prétendre à la joie, triomphe du masque et de l´uniforme, accorder à la configuration du réel un caractère immuable, naturel, évident, sans pourquoi.

Alors même que nos échines se déforment, que nos yeux s´emplissent de poussière et de moisissure, nous persistons toujours dans l´absurde.

Pourquoi ?

La vessie farcie d´alcool ne parvient plus à amenuir le peu de perceptions sensorielles encore subsistantes. Le souhait d´un répit – sursis pour captif sans cage, prison intime, désarroi quotidien – ne se réalise plus que dans l´amnésie.

Pourquoi ?

La presse économique titre « l´alternative à le vent en poupe », nous suggère « l´entrepreneuriat », les « réseaux solidaires »… à l´autre bout de la chaîne, quelques ouvriers chinois assassinent un policier durant une énième grève déguisée en débordement.

Pourquoi ?

Les parcs municipaux sont devenus des temples, les universités des églises, les églises des monuments historiques, tout ce monde archaïque de la contemplation nous écœure, il n´y a pas de territoire ami, il n´y a pas de fossiles à conserver sous verre. Ce que précise – avec une ironie certaine – cette supérette en faillite vaut pour toute l´époque. La perspective est claire : « Tout doit disparaître ! ».

Mais le pourquoi semble malvenu. Manque de politesse oblige, tabou, superflu, inutile aux anecdotes, aux ragots, qui font l´essentiel de nos conversations quotidiennes.

Le pourquoi injurie ceux que la compréhension effraie.

L´éviter minutieusement, s´y refuser pleinement, la tâche que nous semblons devoir accomplir…

Réfléchir, pourquoi faire ?

Mourir dans les bras d´une habitude, d´une routine que l´on ne s´accorde plus à penser, faire l´amour aux abandons hédonistes, les yeux ouverts et le désir affadi, consommé.

L´époque se soigne aux sarcasmes, les terrasses assurent la livraison de sucre et les saltimbanques nous convient aux « bon temps ». Le spectacle produit du neurone en vacance, c´est la liberté !

Chercher la sérénité entre deux carnages médiatiques, les événements dévoilés, l´actualité aménagée, le storytelling international.

La paix, dans une séance de yoga, une pipe à crack, un feuilleton à la con ;

Tout se vaut, tout se vend.

P.-S.

La Brochure en intégralité à télécharger format PDF.

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