Un bandit en cage
Avec l’appui fraternel et solidaire des compagnons de la « Cassa antirep. delle Alpi occidentali », je communique ce qui suit :
Le 13 juin 2012 j’ai été arrêté à Pise, avec ma compagne Elisa, dans le cadre de l’ Opération Ardire lancée par le parquet de Pérouse. Les carabiniers du ROS (Regroupement Opérationnel Spécial) ont défoncé la porte et m’ont conduit au commissariat, où j’ai été fiché, ils m’ont pris mon ADN et j’ai subi une forte pression. À la suite j’ai été envoyé à la prison Don Bosco de Pise.
Le 16 juin j’ai été interrogé par la juge d’instruction, mais bien évidemment, j’ai eu recours à mon droit de garder le silence. Le pas suivant au niveau légal sera le tribunal de réexamen.
Pour des raisons que j’expliquerai bientôt, j’ai été dans l’impossibilité d’accéder à quelconque canal d’information, et ainsi j’ai une vision très réduite de ce qui s’est passé. Par exemple, je ne sais pas qui sont les personnes mises en cause, au delà des dix détenus, et je sais encore moins où ont été effectuées les 40 perquisitions.
L’ordre de détention préventive contre moi fait plus de 200 pages, et dedans les accusations qui me sont imputées sont plutôt graves : idéologue et acteur d’une série infinie d’actions directes, en plus de la coordination et de la propagande au travers de campagnes solidaires avec les prisonniers anarchistes du monde entier.
Mais en ce qui concerne les accusations j’y reviendrai après une analyse attentive des documents de procédures.
J’anticipe seulement que le schéma suivi par les enquêteurs semble reprendre complètement les nombreux théorèmes accusateurs des années soixante-dix et quatre-vingts. La différence fondamentale est que cette fois le centre de l’attention c’est le blog anarchiste « Culmine ». Sur ce point, c’est à dire la supposée liberté de contre-information à l’époque d’internet, ça serait bien d’avoir une réflexion au sein du mouvement anarchiste international.
Étant sous le coup de la loi 270 bis et 280, je suis classé en A.S.2 c’est à dire que je dois passer mon emprisonnement préventif sous un régime de Haute surveillance. Mais la prison de Pise, où je me trouve, n’a pas de section pour l’A.S. et donc je ne peux voir personne et je sors dans la cour seul dans une sorte d’isolement informel !
C’est très probable qu’ils me transfèrent dans une prison qui a une section A.S.
Et tous les compagnons qui me connaissent depuis longtemps savent combien c’est important pour moi le contact avec les anarchistes. Si ces jours-ci vous n’avez pas eu de mes nouvelles, pas même un salut, c’est parce que j’étais dans l’impossibilité de le faire.
En fait, depuis le jour de mon arrestation jusqu’au 22 juin, jour où on m’a informé de la censure de la correspondance, je n’ai rien reçu, rien de la part des compagnons, même si vous m’avez envoyé des télégrammes, des cartes postales, des lettres de solidarité. Entre temps j’ai écrit 13 lettres, utilisant le peu d’adresses que j’avais mémorisé, et je n’ai aucune idée si elles ont été reçues. Ainsi, en dix jours de prison j’ai subi le blocage et la confiscation totale de toute correspondance, entrante et sortante. Je n’ai aucune idée de la légalité d’un tel traitement et, en tant qu’anarchiste, ça ne m’intéresse pas de le dénoncer. Je veux ici seulement faire connaître ce dangereux précédent négatif envers un anarchiste. Arrêté et « disparu » de l’État italien durant dix jours, sans même pouvoir recevoir de télégrammes solidaires. S’il vous plaît n’y voyez aucune victimisation, seulement une constatation de ce que le système se prépare à faire contre nous les anarchistes.
Le jour même de nos arrestations le ministre de l’intérieur en personne a fait une intervention, dans une copie de ce que l’on a vu avec l’arrestation des compagnons chiliens accusés dans le « caso Bombas », des compagnons grecs de la « Conspiration des cellules de feu », des arrêtés en Bolivie. Aussi sur ça, au sujet de l’internationale de la répression anti-anarchiste, il faudrait réfléchir.
Au delà de la censure de la correspondance, j’ai l’interdiction de rencontrer et de communiquer avec ma compagne Elisa, emprisonnée dans la section des femmes de la prison de Pise.
Jusqu’à aujourd’hui, pour les motifs que j’ai cité, il ne m’a pas été possible de contacter mes co-accusés, desquels je n’ai même pas l’adresse. Je déclare que, à peine passé le réexamen, je commencerai à préparer ma défense technique avec laquelle je démentirai, point par point, tous les mensonges diffusés ces jours-ci. Les compagnons anarchistes qui me connaissent depuis longtemps savent bien que je ne suis pas aussi démuni qu’ils veulent le faire croire. C’est la cinquième fois que je tombe sous le coup de l’article 270 bis, les fois d’avant j’ai été acquitté ou ça a été classé avant d’arriver aux accusations analogues pour association subversive de la part des procureurs de Gênes, Lecce, Turin et Florence.
En tant qu’individualiste, j’ai toujours trouvé fascinant le parcours de l’anti-juridisme anarchiste, et sur mes épaules de repris de justice j’ai une condamnation pour « Outrage à l’honneur et au prestige du corps judiciaire », mais je crois qu’un tel parcours avait des limites, surtout lorsque l’on se trouve face à un théorème accusatoire plein de mensonge, manipulations et d’éclatantes erreurs de traduction.
Pour préparer ma défense technique – mais attention, sans accepter aucun interrogatoire de la part de la justice- j’ai besoin d’une grande aide de la part du mouvement anarchiste, italien et pas seulement. En clair, je dois reconstruire avec des documents, des communiqués, des articles et des livres l’histoire de l’anarchisme d’action des dernières décennies. De temps en temps je signalerai les matériaux dont j’aurai besoin. Évidemment j’espère que quelques compagnons mettent à l’abri la base de donnée de Culmine, avec une attention particulière à la chronologie des posts publiés. Le plus de copies seront sauvés le mieux ce sera (Attention, quand vous consultez Culmine évitez de faire des commentaires à voix haute, vous pourriez être arrêtés à l’instant!)
Nous tous, les anarchistes, nous savons qu’un jour ou l’autre nous pouvons finir derrière les barreaux, mais ce qui est frappant dans ce cas-ci c’est le féroce acharnement à l’égard des deux chers amis et compagnons : Marco et Gabriel qui, pour diverses raisons, étaient proches d’un tournant décisif dans leur très longue situation de détention. Ce qui est choquant c’est ce qui se dit contre Marco, et je pense qu’il est urgent que le mouvement anarchiste international se donne comme objectif d’évaluer comment le soutenir de façon efficace.
Je ne sais pas du tout si on va me rendre toute la correspondance.
Je répondrai à toutes les lettres et cartes que je recevrai. À cause de la censure, je vous conseille de m’envoyer de manière séparée le matériel écrit en italien de celui écrit dans d’autres langues ( espagnol et anglais).
J’envoie des bises aux compagnons qui m’ont exprimé leur solidarité, comme la manif spontanée de Trente, celle de Pérouse ou le manifeste de Pise.
Une bise chargée de « cariño » à Tortuga !
Amitiés rebelles du bandit en cage.
Stefano Gabriele Fosco
C.c. di Pisa, via Don Bosco 43, IT-56127 Pisa
24 juin 2012
http://fr.contrainfo.espiv.net/2012/07/05/communique-de-stefano-fosco-depuis-la-prison-de-pise/