Notre cher compagnon Francisco Ortiz Jimenez (Paco) est mort samedi dernier 19 juillet dans le module FIES de la prison de Badajoz. Il a cherché la liberté par le suicide en ingurgitant une dose mortelle de pilules, une manière très dure pour échapper définitivement à la réalité de la prison et de l’isolement, qu’il ne supportait plus.
J’ai connu Paco il y a plus de deux années ici, dans le module FIES de Huelva, et je l’appréciais beaucoup ; tous ceux qui ont eu l’occasion de le connaître l’aimaient beaucoup. Il me disait qu’il “aimait la vie, la vraie vie en pleine liberté. Mais pas celle que nous vivons ici, dans une section d’isolement. Celle-ci n’est pas une vie qui vale la peine d’être vécue”. Depuis qu’il est entré en prison la dernière fois il y a trois ans, il a tenté sept fois de se tuer. Sa dernière tentative, ce fut le 22 mars 2003 à Jaen lorsqu’il s’est taillé les veines, mais il n’a pas réussi, la vie trop forte qui battait dans son cœur refusait encore une fois la mort. Je me souviens qu’il me disait dans une de ses lettres : “C’est incroyable, il semble que je sois immortel”.
A Huelva, lorsqu’il était ici avec nous, il a fait deux tentatives, ils l’ont porté à l’hôpital et Paco est revenu quelques jours plus tard comme si de rien n’était. Un peu retourné, certes, mais tranquille avec sa détermination. “La vie est un bien qui appartient à chacun de nous et nous avons le droit indiscutable d’en faire le meilleur qu’il nous en semble”, me disait-il.
Paco a passé presque toute sa vie en prison : vingt années en luttant contre toutes les injustices du système pénitentiaire, luttant pour la vie et la liberté, la sienne et celle des autres. Et aujourd’hui, après tant d’années, les forces lui manquent pour recommencer. La dernière fois qu’il m’a parlé de lui, il me racontait sa situation au moment de son départ d’ici pour un transfert vers Jaen II. Un transfert annoncé précédemment par une note de la direction dans laquelle elle disait qu’un tel déplacement était effectué à fin de faciliter sa récupération : comme s’il était possible d’aider quelqu’un en l’enfermant à Jaen II (j’y ai été et je sais très bien combien ça y est dur). Ils ont transformé son baluchonage en une espèce de sanction, et qui plus est à peine sorti de l’hôpital. C’était un mensonge sans nom de défendre que placer là notre compagnon “pourrait favoriser son rétablissement”, là où ils détruisent les prisonniers, où on cherche à les anéantir ; ceci a effacé le peu de joie qu’il lui restait encore.
Vous pouvez imaginer comment Paco s’est trouvé mal dans le module FIES nauséabond de Jaen II, en isolement, dans l’obscurité, seul et dans le silence : un lieu identique à une tombe. Ce n’est pas un hasard que là aussi il a cherché à se tuer.
Malgré sa situation et son état d’âme, il a participé, avec les autres prisonniers qui sont arrivés au fur et à mesure à une lutte pour bloquer le projet de convertir le FIES de Jaen II en une section à double usage, c’est-à-dire pour prisonniers FIES de premier et second degré, comme dans la prison de Picassent (Valence).
Les protestations de tous ordres furent efficaces et la direction n’a pas réussi à obtenir ce qu’elle voulait, et Paco fut transféré dans le module FIES de Badajoz, un module de second degré où il a trouvé la mort.
C’est ce qui arrive avec toutes leurs merdes, parce qu’il est très clair pour nous que chaque mort en prison est un crime d’Etat, et ce sont eux les responsables des raisons pour lesquelles ces morts arrivent.
Claudio Lavazza
Cp Huelva, Modulo 16 FIES
Carretera la Ribera s/n
21610 Huelva
Espagne
Publié le 16 août 2003 en italien sur a-infos
[Extrait de “Cette Semaine” n°87, fév/mars 2004, p.36]