Nous sommes quelques-uns de ces incontrôlés dont les médias vous rabattent les oreilles depuis quelques jours. Nous avons participé aux affrontements de la semaine passée autour de Jussieu. Les journalistes vous ont dit la vérité. Nous sommes effectivement incontrôlés, bien plus qu’ils ne veulent le dire. Nous n’admettons plus que des manipulateurs parlent et décident à notre place. Nul idéologue n’arrive à canaliser notre colère. C’est cela qui nous rend haïssables aux yeux de tous les défenseurs de cette société.
Notre violence, les chieurs d’encre politiciens l’appellent gratuite pour dissimuler qu’elle risque de leur coûter cher. Ce sont nos raisons qu’ils cherchent à taire ou à falsifier car ce sont elles qu’ils redoutent. Si nous cassons les banques c’est que nous avons reconnus l’argent comme cause centrale de tous nos malheurs. Si nous cassons des vitrines ce n’est pas parce que la vie est chère mais parce que la marchandise nous empêche de vivre, à tout prix. Si nous cassons des machines ce n’est pas parce que nous voulons « défendre l’emploi » mais attaquer l’esclavage salarié. Si nous attaquons la salope policiére ce n’est pas pour la faire sortir des facultés mais pour la faire sortir de notre vie.
Contrairement à divers gangs militants, nous n’entendons pas améliorer l’ordinaire d’une vie invivable mais supprimer toutes les causes de notre insatisfaction. Nous sommes sortis des égouts, c’est-à-dire des HLM, des usines, des supermarchés, où on avait espéré nous enfermer. Nous n’y rentrerons plus.
Nous ne sommes pas aussi désespérés que nos ennemis voudraient le faire croire. Ce sont plutôt eux qui désespèrent de pouvoir un jour nous faire taire et maintenir ce triste ordre social auquel ils ont liés leur sort. A Jussieu nous avons rencontré des gens qui, s’ils ne pensaient pas exactement comme nous, voulaient comme nous la fin de l’arbitraire étatique et marchand. Cette rencontre est pour nous l’aspect le plus positif de ces jours. Nous avons pu commencer à nous communiquer ce que nous pensions de la misère, des moyens de la combattre et des méthodes que les bureaucrates et flics en tous genres emploient pour nous en empêcher. Quoiqu’il arrive ce résultat ne pourra pas être détruit. La colère est devenue, là, un peu plus intelligente. Il s’agit maintenant de créer les conditions pour qu’elle le devienne encore plus.
Le spectacle a voulu nous voir redoutables. Nous entendons bien être pires.
Conjuration des Vandales
Tract trouvé à Paris, le 18 mai 1980.
Extrait de Non Fides N°IV