Des nouvelles de Damien Camélio du 30.10.2014

0_edinburgh_transport_cars_vans_lorries_-_kingsburgh_rg_collection

Salut à toutes et tous,

Mes conditions de détention, il s’agit du régime le plus dur et le plus restrictif qui existe sur le territoire français. 23heures en cellule et 1 heure dans une coursive individuelle de 8 mètres sur 4. Rien du plus puisque toutes les activités me sont interdites. Tout contact interdit. Je ne vois rien de plus que 4 murs de béton et un toit de métal dans la coursive. Je n’ai pas pu apercevoir le ciel depuis des mois. Tous mes faits et gestes, et attitudes sont sous haute surveillance. Les conditions sont difficiles et j’en dénonce les tortures qu’elles provoquent mais je ne m’en plains pas. Je ne suis pas le seul à subir de telles conditions de détention. Sur le territoire français nous sommes quelques centaines de DPS (“détenus particulièrement signalés”) isolés à les vivres. C’est le lot de tous les détenu-e-s qui refusent la soumission et sont donc considéré-e-s comme dangereux-ses pour l’administration pénitentiaire. Certain-e-s d’entre nous ont la force d’y résister dignement et de rester combatif-ve-s. Malheureusement, la grande majorité tombe dans la sur-médication et le suicide.

J’ai été quelques semaines en régime normal, mais j’ai rapidement été placé en isolement haute sécurité suite à des accusations de :

  •  Tentative d’évasion
  •  Destruction de matériel entrainant la mise en danger de la sécurité de l’établissement pénitentiaire.
  •  Outrage et menace au personnel de l’AP et aux autorités judiciaires.
  •  Contact avec d’autres détenu-e-s incarcéré-e-s dans diverses prisons de façon illégale.

En fait de tentative d’évasion, il s’agit plutôt d’un projet qu’ils ont éventés. C’est le 2ème, le 1er m’avait valu mon transfert de la MA de Pau jusqu’ici. Enfin je reste combatif malgré les conditions extrêmes d’isolement. L’AP vient de me notifier un nouveau jugement interne pour “Incitation à la rébellion” et “être reconnu comme le leader de la révolte du quartier d’isolement”.

En effet, suite à la nouvelle de la mort d’un détenu, j’ai construit une barricade à la porte de ma cellule, je suis resté quelques jours sans manger ni dormir derrière ma barricade, armes maison et huile bouillante en main. Dans le même temps, j’ai écrit un texte dénonçant les tortures, les morts ainsi que les vols réguliers d’argent sur les comptes des détenus que j’ai clandestinement diffusé à l’ensemble du QI et dont j’ai envoyé une copie à la direction. S’en ai suivi une grève de la faim commune avec 7 prisonniers, lesquels furent rapidement menacés de transfert et d’aménagement de peines refusées. Nous avons été 3 à tenir bon jusqu’à l’obtention – maigre victoire- que l’entreprise terroriste Eurest qui gère les cantines et la location des télés stoppent les prélèvements préventifs et abusifs pour les locations.

Étant donné que nous ne pouvons rien espérer de plus en combattant de l’intérieur nous avons déposé les armes tout en lançant des appels pour que le combat continu à l’extérieur. Et comme le système ultra autoritaire et ultra hiérarchisé de l’administration des “chefs” je serai jugé à titre d’exemple comme étant le leader du mouvement. Chose que j’assume totalement. Comme j’assume clairement en ce qui concerne la lutte Anarchiste en règle générale l’utilisation de l’action directe et de l’expropriation directe.

Je suis sans nul doute plus proche idéologiquement de la FAI/FRI grecque que de la FA française. Je le dit sans détour (et malgré le fait que l’on soit lu) il nous faut absolument sortir de la spirale des éternelles victimes et pour ce faire, nous devons multiplier les attaques destructives. Quelles prennent les formes qu’elles prendront pourvu qu’elles soient efficaces. Il n’existe pas de ‘bons’ et de ‘mauvais’ militants. Il existe des militants tout court. Et il existe des combattants révolutionnaires, lesquels sont accusé-e-s de terrorismes et criminalisé-e-s par le pouvoir et malheureusement par une partie des organisations légalistes qui s’empressent de se dissocier des faits lorsqu’ils ont lieu et plus encore lorsqu’ils entrainent des arrestations. Ceci n’est pas une particularité française et nous avons pu constater le même genre de comportement partout où ce genre d’attaques ont lieu.

Nous pouvons lire ou entendre un peu partout et dans toutes les langues des discours interminables de pseudo- révolutionnaires qui justifieront leur inaction ou un mode d’action strictement légaliste et réformiste par un contexte social défavorable à une insurrection. Nous pouvons en effet en rester là, ne rien faire et attendre un contexte social improbable car il supposerait une conscience de base généralisée, se confortant à qui mieux mieux dans la position – apparemment confortable- de la pauvre petite victime innocente.

Ou nous pouvons provoquer les consciences, créer le contexte, assumer d’être révolutionnaire et donc dangereux pour le capitalisme et pour l’État, nous pouvons cracher sur tout ce qui représente le pouvoir et nous pouvons l’attaquer sous toutes les formes possibles dans le seul but de son ultime destruction. Et si nous pouvons nous le devons. Car c’est ainsi que se créent les insurrections. Car c’est l’unique chemin pour que du discours révolutionnaire naisse la consistance révolutionnaire. Il s’agit ni plus ni moins que d’une nécessité. Mais c’est aussi une réalité historique. Aucune révolution, quelle qu’elle soit, ne s’est initiée sans attaques directes et violentes au système politico-social établi et des braquages de son système économique. Nous pouvons critiquer et regretter la direction qu’on prise l’ensemble des révolutions sociales des 2 siècles derniers et je pense qu’en tant qu’Anarchistes nous l’avons toujours fait et à juste titre. Cependant nous ne pouvons nier l’évidence que seule l’action armée permet la naissance d’une situation révolutionnaire. On m’a reproché en France de vouloir créer une avant-garde armée. Mais enfin ce n’est pas parce que la majorité des luttes armées sont marxistes donc avant-gardiste que toute action armée le deviendra. Une lutte armée Anarchiste ne peut pas devenir avant-gardiste, ne serais ce que par son absence de structure hiérarchisée. La lutte avant-gardiste cherche à imposer son pouvoir. La lutte armée Anarchiste s’emploie à détruire toute forme de pouvoir. Il y a clairement antinomie entre les 2. J’ai fait il est vrai, quelques alliances ponctuelles avec des militants de certaines luttes armées marxistes. Des personnes avec qui je resterai solidaire ne serais ce qu’au titre de l’amitié. Mais il faut être clair : c’est par nécessité logistique que j’ai noué ces alliances. Il s’agit ni plus ni moins que d’entraide face à un ennemi commun et dans le contexte particulier de leur dépose des armes. Bien entendu je ne peux pas m’étaler plus que ça à ce sujet. J’entends le reproche, et je le comprends, mais je ne peux pas donner des explications qui pourraient porter préjudice à d’autres personnes que moi-même. Ce qui est sûr, c’est que j’ai voulu m’encrer dans l’Anarchisme combatif et que j’assume et revendique l’action armée.

Vous connaissez déjà la partie émergée de l’iceberg que constituent les 3 attaques de faible intensité sur le territoire français pour lesquelles je suis séquestré. Ce que je veux dire de ces attaques c’est que je regrette de n’avoir pas eu à ce moment donné les moyens de frapper plus fort. En particulier sur la MA de Tarbes, que je connais bien pour y avoir été incarcéré, sur laquelle l’explosif prévu n’a pas fonctionné. Ce que je regrette aussi, c’est qu’une volonté qui a été commune n’ai pas perduré suite à mon arrestation. Il est vrai que si des actions similaires avaient été revendiquées les semaines suivant mon arrestation, je n’aurai jamais pu espérer une rectification judiciaire en droit commun et donc j’aurai encouru des peines maximales allant de 20 à25 ans fermes. (Je pense que j’aurai pris entre 8 et 12 ans). Ceci dit, je connaissais les risques, je les ai accepté et j’y étais préparé, c’est pourquoi j’aurai préféré ça à ce que j’ai perçu comme une reddition. En tout cas en ce qui me concerne, je ne le quitterai jamais. Bien évidemment, je peux difficilement parler d’autres choses que les faits qui ont été jugés mais je ferai mon possible pour répondre à vos questions. Je voulais rajouter quelques lignes concernant ma compagne Noélia Cotelo Riveiro, actuellement séquestrée en Espagne dans des conditions similaires aux miennes. Noélia est une combattante Anarchiste bien que sa première condamnation soit une peine de 18 mois pour des histoires de stupéfiants, elle est actuellement séquestrée avec au total 12 ans incompressible pour sa lutte anticarcérale et antiautoritaire perpétré de l’intérieur des murs. Elle a subi et subit encore une immense répression. Le pire ayant été des tortures physiques ainsi que des abus sexuels commis sur sa personne par un maton à la prison de Brieva en 2012. Nous avons énormément de problème pour communiquer car notre courrier est soit bloqué, soit retardé d’un côté ou de l’autre de la frontière. Je viens d’apprendre aujourd’hui grâce à un compagnon et amis espagnole réfugié en Angleterre qu’elle a récemment eu des problèmes au CP d’Albolote (granada) et qu’elle a été une fois de plus transférée à Brieva.

Il est des combattant (e) s dont on ne parle pas, ou peu car leurs actions se passent loin des yeux, derrière les murs, loin aussi de tout espace médiatiques. Ils/elles n’en sont pas moins indispensables et d’autant plus valeureux (ses). Noelia en est une, une fière et forte combattante qui a assumé sa participation à la conspiration en signant toutes les revendications en son nom dès mon arrestation. Nous sommes donc actuellement 2 personnes dans la formation qui est la nôtre. Nous pourrions être 3, mais la troisième personne actuellement détenue à Rome a fait le choix lors de notre garde à vue commune de se dissocier de ce qui a été accompli sur le territoire français. Il s’agit de Xavier Sola. J’en appelle pour autant à la solidarité avec lui aussi car les conditions d’une cavale difficile sont autant de circonstances compréhensibles à l’attitude qui fut la sienne. Nous sommes donc clairement solidaires avec lui-même si, selon son propre choix il ne fait pas partie de notre cellule. En règle général, nous sommes bien entendu solidaires avec tou-te-s les prisonnier(e) s Anarchistes ainsi qu’avec tout(e)s les compagnons-nes- traqués par les services répressifs étatiques et ceci de façon international et inconditionnel. Par ailleurs nous restons persuadé(e)s que l’avenir de la lutte combative Anarchiste réside dans la solidarité et la coordination internationale. Alors que l’expérimentation sous la forme de communes autogérées ne peut se faire que de façon localisée, le combat de sape et de destruction, le combat de résistance peut donc et doit se faire tout azimut et aux quatre coins de la planète. Ce n’est qu’en dépassant les contextes nationaux et donc en ignorant leurs frontières pour nos frappes que nous arriverons à une lutte efficace qui déstabilisera nos ennemis. Dès lors il n’est nullement question pour nous de rechercher une quelconque justification dans un contexte territorialisé. Il n’y a pas de légitimité à démontrer, il y a une efficacité à obtenir.

Un mot cependant concernant le contexte français actuel. Il y a ces derniers jours une vague insurrectionnelle qui ébranle la république suite à la mort du compagnon Rémi Fraisse assassiné par les flics sur la ZAD du Testet. Je serai très bref à ce sujet car je ne veux pas paraître instrumentaliser la mort d’un compagnon. Ceci dit, il semblerait que le contexte social cher à nos détracteurs ne soit pas celui escompté. Il semblerait aussi que la république démocratique française ne s’embarrasse pas de ce genre de considérations et déploies tous les moyens répressifs possibles allant jusqu’au meurtre politique afin de sauvegarder la main mise sur un territoire qui lui échappe. Face à ce constat, nous en revenons à la question première, la question primordiale :

Avons-nous pour vocation de rester les éternelles victimes ou combattrons- nous bec et ongles pour nos vies et notre liberté ?

Nous avons pour notre part déjà répondu à cette question de par l’engagement qui fut et reste le notre. De là où nous sommes nous ne pouvons rien faire de plus que de poser à nouveau la question. C’est à la rue et à elle seule d’y répondre.

Hommage éternel au compagnon Rémi

Solidarité inconditionnelle envers tout(e)s les prisonnier(e)s et réfugié(e)s Anarchistes.

Feu et carnage aux États et à leurs forces répressives.

Damien Camélio et Noélia Cotelo Riveiro

(je signe aussi de la part de Noelia sur sa demande)

P.S. : La CNT – AIT Madrid m’apprend également que Monica Caballero et Francisco Solar ont de nouveau besoin de notre soutien à tous.

http://fr.contrainfo.espiv.net/2014/11/12/des-nouvelles-de-damien-camelio-du-30-10-2014/