C’est tous les jours que ce monde produit de l’horreur. Dans les guerres que se mènent les États entre eux, ou contre des groupes qui, s’ils ne sont pas à proprement parler des États, ne rêvent que de pouvoir et de domination sociale et politique. A coups de bombes et autres armes frappant plus largement que les seuls adversaires soi-disant visés, c’est-à-dire frappant des centaines et des milliers d’individus qui ne demandaient pas à prendre part à ces guerres, en tout cas qui ne souhaitaient pas en crever. Cette tuerie et cette mutilation permanentes s’étendent jusque dans les conséquences sociales dues au capitalisme : par son travail, son industrie, ses nuisances, les maladies qu’il provoque en pagaille. Jour, après jour, après jour.
Cette horreur diffuse devient banale, on ne l’évoque qu’en citant des chiffres : dix morts par-ci, trente morts par-là, des centaines et des milliers de blessés. Banale comme une hécatombe suite à un tsunami, un tremblement de terre, fatale comme le sont les fureurs et le déchaînement périodique de la nature. On l’évoque donc (il est parfois plus profitable pour certains d’évoquer le drame que de le taire, les larmes mêmes pouvant être productives de façon intéressante dans ce monde pourri), on la glisse dans un bulletin d’information, rapidement, car on n’a au fond rien de bien substantiel à en dire. N’oubliez-pas, citoyens, le drame est là, la mort frappe toujours à nos portes, et face à elle, combien est douce la sécurité et la stabilité que l’État et l’afflux de marchandises vous apportent ! Que le petit quotidien de la survie continue et tout ira fort bien.
Mais tout à coup, voilà qu’un fait parmi d’autres arrête le temps qui passe, qu’une horreur parmi d’autres crève l’écran, que la normalité fait une pause, voilà qu’on devrait se mettre à réfléchir, alors que le reste du temps il faut juste courir vers nulle part. Voilà qu’il ne s’agit plus de quelques « brèves de l’horreur », lointaines et insignifiantes, mais de l’Horreur, avec sa figure terrifiante, la mort terroriste juchée sur un puissant scooter et revêtue de noir, qui a la fourberie de se masquer sous un casque intégral, pour échapper aux preux chevaliers de la police judiciaire. Elle laisse sept morts derrière elle.
Revenons rapidement en arrière. Oui la mort frappe continuellement, pas la mort qui vous enlève tranquillement la vie, pas juste celle qui fait que vous vous endormez dans votre lit un soir sans vous réveiller le lendemain matin. Pas juste celle qui vient vous rappeler que, bon gré, mal gré, la vie des êtres humains ne dure que quelques décennies et qu’il y a une fin à toute chose. Non, celle qui tape brutalement, qui laisse son paquet d’estropiés et d’amputés dans son sillon, en plus des cadavres ; celle qui laisse aussi la terreur, qui cherche à l’inscrire dans le crâne de ceux qui survivent. Qui veut frapper les esprits pour mieux paralyser le corps, déposséder les individus de toute prise en main autonome et concrète de leur existence. Comme nous le disions, cette mort-là a des médiateurs, des responsables particuliers. Ils agissent toujours au nom d’une idéologie, qu’elle soit politique ; démocratique ou non, ou bien religieuse, peu importe quelle religion particulière historiquement, ou bien tout ça à la fois. La faux qui s’abat pour occire et terroriser ne tombe pas du ciel, ou si cela arrive, c’est par un avion bombardier, ou par un lance-missile à longue portée, et pas par les foudres divines. Elle ne vient pas d’une « main invisible », mais d’un bras souvent vêtu de kaki, et peu importe quel écusson y est épinglé.
Dans le cas qui amène ces réflexions, il aurait été en effet fort plausible que sous l’habit noir du « motard déséquilibré », se cache aussi le kaki, puisqu’une des premières éventualités énumérées était qu’il s’agisse d’un ancien para à tendance néo-nazie voulant épancher ses pulsions racistes sur d’anciens collègues trop basanés à son goût, et sur des personnes identifiées comme « juives ».
Ce qui, accordons-nous sur ce point, était de l’ordre du possible. Mohamed Merah, l’homme identifié et finalement exécuté par le RAID, avait par le passé tenté de s’engager dans l’armée, au sein de la Légion étrangère. Il aurait donc tout aussi bien pu tuer autrement, et ailleurs. On l’a vu il y a quelques semaines, lorsqu’un G.I. américain en poste en Afghanistan est sorti de son camp pour aller tirer dans le tas dans un village voisin, massacrant indistinctement plusieurs personnes. Et oui, l’armée française est bien active en Afghanistan -et ailleurs- sous l’égide de l’OTAN ; occupation que les États appellent « mission de sécurisation, d’assistance et de transferts des compétences en ce domaine à l’État Afghan », et que nous appelons simplement guerre et occupation militaire. Cela signifie, à moins de vouloir changer la signification des mots, bombarder, tuer, massacrer, pacifier par la force et la contrainte, contrôler, humilier, perquisitionner et au besoin exécuter. Si le « tueur de Toulouse » avait été engagé à l’époque dans l’armée, force aurait été de conclure qu’il aurait été formé à l’école même de l’État. On ne l’aurait alors pas désigné comme « tueur sanguinaire », mais comme « simple soldat ». Dans le cas de Toulouse et de Montauban, l’acte d’appuyer sur la gâchette n’a pas été donné par le commandement militaire, et les cibles n’ont pas été désignées par lui. Pas cette fois-ci, précisément. Mais dans bien d’autres situations, dans bien plus de situations, ça l’est.
Aussi quand l’État décide de rayer de la carte des villages et des villes entières, donc des milliers de vies humaines, par le napalm, la bombe thermonucléaire, les fameuses frappes chirurgicales ou toute autre joyeuseté en sa possession, c’est la raison qui parle, la civilisation, la démocratie, et même, allons-y dans le cynisme, le Progrès et la « liberté ». Il y a donc l’horreur et les massacres justifiés, les guerres justes et les guerres saintes, et puis il y a le « tueur à scooter de Toulouse ». Celui-ci est, selon une foule d’experts qui accoure la bave aux lèvres dés que le sang coule sur le trottoir, un « fou isolé », un « déséquilibré aux motivations idéologiques », un « terroriste individualiste » (sic). Soyons clairs et nets : un type comme celui-là, on ne va pas pleurer sa mort. Mais ceci dit soyons clairs et nets jusqu’au bout : qu’est-ce qui, ces derniers jours, a fait la teneur de ce que politiciens, médias et représentants communautaires ont qualifié de « drame national » ? Voilà qu’une réponse fuse, évidente : « on ne s’en prend pas aux enfants » et « s’attaquer à des personnes en fonction de leur religion, couleur de peau, ou origines supposées, c’est de la barbarie ».
De la barbarie, bien. Je ne connais pas, personnellement, de barbares, j’en suis désolé. Je ne connais que des individus devant survivre au sein de la civilisation, entre les mailles de la grande broyeuse économique (qui mange aussi des enfants), que la politique vient souvent racoler sous des fanions verts, bleus, roses, rouges, tous tricolores au final. Certains s’y accommodent assez bien, d’autres n’en peuvent plus ; les uns crient « vive la patrie ! », d’autres en ont marre et se tirent une balle dans la tête ou se pendent, en laissant un mot disant à peu près « Travail m’a tuer ». Les uns se débrouillent comme ils peuvent pour grappiller quelques miettes, quitte à faire une crasse à un autre forcé lui aussi de se débrouiller. Les uns vantent sourire aux lèvres les vertus de cette société, du labeur et de la famille, les autres (parfois ce sont les mêmes en fait) se shootent au Prozac, juste pour… continuer. Il y en a aussi qui en ont plus qu’assez de cette foutue vie de merde, mais qui avant de casser leur pipe se rebellent, mordent la main du maître, pourrissent la vie du donneur d’ordres. Certains parmi eux s’en tirent pas trop mal, d’autres (combien de millions sur cette planète murée ?) finissent derrière des barreaux. D’autres sont assassinés par les flics. D’autres tirent dans le tas, souvent en revendiquant une cause, parfois par ce qu’on appelle par défaut nihilisme.
Je vois très bien tout ça, mais je n’ai jamais vu de barbare. Barbare, barbare… ah oui, le barbare, celui qu’on définit par opposition à la civilisation. Il y a la civilisation, et il y a la barbarie. Les barbares et les civilisés. Les citoyens et les sauvages. Les uns sont courtois et polis, mangent à table et sont propres, sont sages à l’école, utiles à la société, et celle-ci leur rend hommage par une petite dalle de marbre à l’heure dernière. Les autres… Quelle horreur ! Mais là, il s’agissait d’un nouveau type de barbare, un barbare roulant en T-MAX Yamaha et équipé d’armes automatiques. Un barbare à la pointe de la technologie, et animé par une idéologie. Mettons un peu d’ordre dans tout ce merdier. Armes de guerre, puissant engin à moteur, racisme, idéologie, agissement froid et maîtrisé, art de la gâchette et même camera embarquée. Notre barbare n’était pas habillé de peaux de bêtes, il ne tenait pas de gourdin grossièrement taillé, il avait sûrement en tête tout un argumentaire bien raisonné pour expliquer pourquoi il faut méthodiquement et froidement éliminer tout ce qui est « juif » (les militaires, c’est encore autre chose) de la surface du globe. Isolé disait-on ? « Fou » ? « Terroriste » ?
Isolé. Certainement pas. Pour notre grand malheur, des personnes qui, sans peut-être appuyer sur la gâchette à tout va, sont animés par l’idéologie raciste et/ou religieuse, il y en a eu un paquet dans le passé, il y en a encore plein aujourd’hui, et ce à tous les échelons et postes de la société, « serviteurs de Dieu » aussi bien que militaires, simple quidam anonyme ou personnage d’État. Le « tueur à scooter » agissait peut-être seul, mais ce qui le mettait en branle, son idéologie rance, occupe aussi l’esprit d’un grand nombre de gens. En d’autres termes, on parle d’arbre qui cache la forêt ou de pointe visible de l’iceberg.
Fou. Comment dire… Ce terme, en fin de compte, est aussi bancal que celui désignant les fameux « barbares ». Qui est fou, qui est « sain d’esprit » et incarnation de la Raison Pure, vaste question, qui agite peut-être frénétiquement les pensées et calculs des spécialistes, sociologues, médecins, généticiens, psychologues, psychanalystes, psychiatres et autres psychothérapeutes, mais qui à vrai dire nous laisse un peu indifférents. La folie est tantôt décrite comme l’incapacité à se conformer aux normes sociales, tantôt comme résultant au contraire d’une overdose de normalité, on parle des fous d’amour, des fous à lier. L’argent, le pouvoir, l’environnement déprimant, le travail, la jalousie, la voiture comme le métro, la possession et la dépossession, l’enfermement, les médicaments mêmes, rendent les gens « fous ». La société rend « fou ». Parler de folie dans ce cas précis, c’est empêcher de mettre le doigt sur l’idéologie et la logique morbide qui est derrière l’acte.
Terroriste. Pour l’instant, on sait que le tueur a tué, et qu’il a crée une certaine terreur. Peut-être son but était simplement de tuer, peut-être voulait-il à la fois tuer et répandre la terreur. Mais on ne le sait pas. Nous pensons en avoir assez dit au début de ce texte concernant cette question du terrorisme : qu’on invoque le Führer, je ne sais quel Dieu ou prophète, ou la République démocratique, un massacre (plus ou moins discriminé, ça ne change pas grand’ chose à l’affaire) reste un massacre, et le pouvoir reste le pouvoir, la domination veut dominer, et pour cela, tuer en masse et terroriser vont de pair ; terroriser et contrôler (de façon plus ou moins violente), terroriser pour exploiter. L’État est nécessairement terroriste, c’est lui qui a crée le concept de Terreur et la réalité qui va avec.
Et c’est l’État qui prétend, pas seulement depuis ce lundi ou quatre personnes ont été abattues devant et dans une école à Toulouse, mais depuis des décennies, mener la lutte « anti-terroriste ». « La République est bien plus forte que le terrorisme », clame le chef de l’État. On lui répondrait facilement (si on avait cette idée bizarre de vouloir dialoguer avec le pouvoir) : « La République est forte comme le terrorisme, par le terrorisme ». Certes, il serait simpliste de ne voir dans la domination que la résultante de la terreur, imposée avec force. Il y a bien aussi, une forme de consensus, d’intérêt parfois partagé entre l’État et des pans de la société, d’acceptation plus ou moins teintée de dégoût. De la servitude volontaire et de la résignation, de la servilité par lâcheté ou par conviction, par peur ou par résignation. Une résignation monnayée, peu ou prou. Une soumission obtenue par la menace de crever de faim, de se retrouver à la rue. Par la carotte et par le bâton, par le salaire et par la prison.
Toujours est-il que le gouvernement en a profité pour décréter le passage au niveau « écarlate » du plan Vigipirate, soit le niveau maximum, dans la région Midi-Pyrénées et les départements limitrophes. Pas un seul des salauds politiques, adorateurs du pouvoir, ne l’a critiqué sur ce point, et ça n’étonnera que les niais. Voici, dans le verbiage chatoyant propre au langage de l’État, ce que vise le plan Vigipirate élevé à ce niveau : « prévenir le risque d’attentats majeurs (simultanés ou non), mettre en place les moyens de secours et de riposte appropriés, des mesures particulièrement contraignantes pouvant être mises en œuvre, protéger les institutions et assurer la continuité de l’action gouvernementale”. En deux mots comme en mille : occupation policière et militaire à chaque coin de rue, surveillance omniprésente, possibilité de contrôles à tout instant, en tout lieu et sans « justification formelle », peur diffuse. Il s’agit du dernier stade avant l’état d’urgence. La même chose qu’en temps normal, est-on tenté de dire. Oui, seulement avec l’effet d’annonce en plus, et avec un peu plus d’intensité et surtout plus de moyens. Le plan Vigipirate est activé depuis le début des années 90, au niveau « rouge » depuis les attentats de Londres en 2005. Mais la démocratie se réserve tout le temps la possibilité de resserrer et de desserrer l’étau de son contrôle social sur les populations en fonction de la situation : émeutes généralisées, situation pré-insurrectionnelle, état de guerre, catastrophe nucléaire… Les situations dites d’urgence, décrétables et multipliables à l’envie, permettent de mieux ancrer dans l’esprit et la peau de tout un chacun l’habitude d’être parqué, surveillé, déplacé, fiché, fliqué. De réaffirmer le monopole de la violence entre les seules mains de l’État, et de façon visible, démonstrative même. Il est donc vain de s’indigner face à de supposées « lois d’exception » qui seraient l’envers de la normalité démocratique. Les deux sont inséparables.
Que dire aussi de ce monde polarisé en identités imaginaires ? Lorsque le tueur assassine des personnes d’origine musulmane, on convoque les dits « représentants » de la « communauté » musulmane pour exprimer son chagrin. Puis lorsqu’il tue des personnes d’origine juive, on convoque les équivalents juifs. Comme si le chagrin causé par la mort d’un individu ne concernait que ses co-religionnaires, comme si le chagrin devait forcement appartenir à un groupe social bien défini. C’est dans cette confusion identitaire bien typique de l’époque, additionnée à ce que Dagerman appelait la « dictature du chagrin », que le voile nauséeux de l’autorité assoie la domination de ses sujets. Pourquoi le président se sent-il obliger d’aller s’expliquer avec le premier ministre israélien à chaque fois qu’un crime raciste est perpétré contre une personne désignée par ses agresseurs comme juive ? Ces personnes appartiennent elles à l’État israélien ? Ces personnes appartiennent elles à une quelconque communauté avant de s’appartenir à elles-mêmes ? Quand cela arrange le pouvoir, les victimes sont d’abord françaises, des « enfants de la République », et quand il faut brosser dans le sens du poil les lobbys religieux, on use du discours contraire. Quoiqu’il en soit on reste dans le culte de la charogne et les logiques politiques et électoralistes de récupération ou non, selon les opportunités.
Dans une unanimité touchante, nos écolo-socialo-souveraino-centro-frontdegaucho-facho-réacto mêlent donc leurs voix pour entonner : « Vive la République ! Vive l’Union Nationale ! ». Les quelques voix critiquant partiellement ce chantage se sont empressées de préciser qu’elles encourageaient par ailleurs le travail des enquêteurs et des forces de l’ordre, à savoir la Section Anti-Terroriste, et qu’en cas de changement de majorité au parlement, les moyens des services de renseignements seraient augmentés.
L’Union Nationale, parlons-en. Celle qui s’enthousiasmait dés le XIXe siècle pour aller porter les lumières républicaines dans les contrées lointaines à coup de canons, de sabre et de goupillon, celle qui permit la boucherie de 14-18, celle qui porta Pétain sur un trône, celle qui releva le capitalisme en 45 en larguant quelques bombes à Sétif et en laissant bien tranquilles les collabos, qui massacra, tortura et jeta allègrement dans la Seine pendant la guerre d’Algérie. Celle qui permet au pouvoir de mieux isoler, mater et éliminer les rétifs, les rebelles, les sans-patrie, les révolutionnaires, ceux qui crachent sur tous les drapeaux et tous les régimes. Qui refusent d’aller se faire trouer la peau et de trouer la peau des autres pour des intérêts qui ne sont pas les leurs, qui ne le seront jamais.
Nous sommes de ces derniers, et nous comptons bien ne pas rester impuissants dans la posture du refus. Nous refusons et nous combattons à la fois le chantage de l’unité nationale, le ralliement sous la bannière républicaine, qui est toujours l’horreur étatique et capitaliste. Nous refusons tout autant de crier avec les loups avides de racket communautaire et religieux, cette autre forme de muselage universel qui, loin de s’opposer à la domestication politique et au règne de l’argent, en est leur compagnon de route historique, très efficace pour diffuser hiérarchie, fatalisme, obéissance et division entre pauvres.
Si nous autres opprimés, indésirables et révoltés dans ce monde, devons critiquer et combattre jour après jour tout ce qui fait de nous des esclaves, ça ne sera jamais en tirant dans le tas, ni pour répandre la terreur et l’horreur, mais précisément pour en finir avec tout ce qui en est la cause : l’État, le racisme et le nationalisme, l’argent, Dieu.
Pour la liberté.
La liberté pour tous et toutes.
Ni citoyens, ni flics
Ni fascisme, ni démocratie
Ni religion, ni terreur
Ni fric, ni État
Ni patrie, ni nation, ni frontières
Ni maîtres, ni esclaves.
20 mars 2012.
Texte mis en brochure par Ravage Éditions en avril 2012 :
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Terrore e unità nazionale
Questo mondo produce quotidianamente orrore. Nelle guerre che gli Stati si fanno tra di loro, o contro gruppi che – benché non si possano definire propriamente Stati – non anelano che al potere e al dominio sociale e politico. A suon di bombe o di altre armi che colpiscono ben oltre i cosiddetti avversari indicati, che colpiscono cioè centinaia e migliaia di individui che non chiedono di partecipare a queste guerre, in ogni caso che non desiderano creparvi. Il massacro e la mutilazione permanenti si estendono fin nelle conseguenze sociali che derivano dal capitalismo: col suo lavoro, la sua industria, le sue nocività, le malattie che provoca copiose. Giorno, dopo giorno, dopo giorno.
Questo orrore diffuso diventa banale, lo si evoca citando cifre: dieci morti qui, trenta morti là, centinaia e migliaia di feriti. Banale come un’ecatombe in seguito a uno tsunami, a un terremoto, fatale come lo sono i periodici furori e scatenamenti della natura. Lo si evoca (talvolta per alcuni è più utile evocare il dramma che tacerlo, anche le lacrime possono essere produttive in modo interessante in questo mondo putrefatto), lo si fa scivolare nelle notizie di cronaca, rapidamente, perché in fondo non c’è nulla di sostanziale da dire. Cittadini, non scordatelo, il dramma è quello, la morte bussa sempre alle nostre porte, e al suo cospetto come sono dolci la sicurezza e la stabilità che lo Stato ed il flusso delle merci apportano! Che la miseria quotidiana della sopravvivenza continui e tutto andrà per il meglio.
Ma, d’un tratto, ecco che un fatto fra gli altri interrompe il trascorrere del tempo, che un orrore fra gli altri incrina lo schermo, che la normalità fa una pausa, ecco che bisognerebbe mettersi a riflettere mentre nel resto del tempo si deve correre proprio da nessuna parte. Ecco che non si tratta più di qualche «notizia dell’orrore», lontana ed insignificante, ma dell’Orrore, con la sua figura terrificante, la morte terrorista appollaiata su un potente motorino e vestita di nero, che ha l’astuzia di celarsi sotto un casco integrale per sfuggire ai prodi cavalieri della polizia giudiziaria. Dietro di sé lascia sette morti.
Torniamo velocemente indietro. Sì, la morte colpisce continuamente, non la morte che ti toglie la vita in modo tranquillo, non solo quella che fa sì che ti addormenti nel tuo letto una sera senza risvegliarti la mattina dopo. Non solo quella che ti ricorda che, volente o nolente, la vita degli esseri umani non dura che qualche decennio e che ogni cosa ha una fine. No, quella che bussa brutalmente, che lascia sulla propria scia il suo fardello di storpiati e mutilati, oltre ai cadaveri; quella che lascia anche il terrore, che cerca di stamparlo nel cranio di chi sopravvive. Che vuole colpire le menti per meglio paralizzare i corpi, spossessare gli individui di qualsiasi determinazione autonoma e concreta della propria esistenza. Come a dire, una morte che ha dei mediatori, dei responsabili. Essi agiscono sempre nel nome di una ideologia, sia essa politica (democratica o meno) o religiosa (poco importa quale), oppure di entrambe al tempo stesso. La falce che si abbatte per uccidere e terrorizzare non cade dal cielo o, se ciò avviene, è con un cacciabombardiere o un lanciamissili a lunga gittata, e non attraverso i fulmini divini. Non proviene da una «mano invisibile», ma da un braccio sovente ricoperto con un tessuto color kaki, e poco importa quale mostrina vi sia appuntata.
Nel caso che conduce a queste riflessioni, sarebbe stato assai plausibile che sotto l’abito nero del «motociclista squilibrato» si nascondesse anche quello kaki, poiché una delle prime eventualità elencate era che si trattasse di un ex parà con tendenze neonaziste che voleva sfogare le proprie pulsioni razziste su ex colleghi troppo abbronzati per i suoi gusti, e su persone identificate come «ebrei».
Cosa che, intendiamoci su questo, era nell’ordine delle possibilità. Mohamed Merah, l’uomo identificato ed infine giustiziato dal Raid, aveva in passato cercato di arruolarsi nell’esercito, nella Legione straniera. Avrebbe potuto tranquillamente uccidere altrimenti, e altrove. L’abbiamo visto qualche settimana fa, quando un G.I. americano in servizio in Afghanistan è uscito dal suo campo per andare a sparare nel mucchio in un vicino villaggio, massacrando indistintamente numerose persone. E sì, l’esercito francese è parecchio attivo in Afghanistan – e altrove – sotto l’egida della Nato; occupazione che gli Stati chiamano «missione di messa in sicurezza, assistenza e di passaggio delle competenze in quell’ambito allo Stato afgano», e che noi chiamiamo semplicemente guerra e occupazione militare. Questo significa, a meno di voler cambiare il significato delle parole, bombardare, uccidere, massacrare, pacificare con la forza e la violenza, controllare, umiliare, perquisire e all’occorrenza giustiziare. Se l’«assassino di Tolosa» fosse stato preso all’epoca nell’esercito, per forza di cose si sarebbe concluso che era stato formato alla stessa scuola dello Stato. In quel caso non lo si sarebbe definito «assassino sanguinario», bensì «soldato semplice». Nel caso di Tolosa e di Montauban, l’atto di premere il grilletto non è stato dato dal comando militare, e gli obiettivi non sono stati da esso designati. Non in questo caso, appunto. Ma in ben altre situazioni, in molte altre situazioni, sì.
Così, quando lo Stato decide di cancellare dalla mappa interi villaggi o città, ovvero migliaia di vite umane, con il napalm, la bomba termonucleare, i famosi missili chirurgici o qualsiasi altro bel gingillo in suo possesso, è la ragione che parla, la civiltà, la democrazia, e anche – finendo nel cinismo – il Progresso e la «libertà». Quindi esistono l’orrore e i massacri giustificati, le guerre giuste e le guerre sante, e poi c’è «l’assassino in motorino di Tolosa». Secondo una folla di esperti accorsa con la bava alla bocca appena il sangue è scorso sul marciapiede, costui è un «pazzo isolato», uno «squilibrato con motivazioni ideologiche», un «terrorista individualista» (sic!). Siamo chiari: non si piange la morte di un tipo del genere. Ma ciò detto, siamo chiari fino in fondo: cos’è che negli ultimi giorni ha caratterizzato quello che politici, media e rappresentanti comunitari hanno definito «dramma nazionale»? La risposta più evidente che prorompe: «non si colpiscono bambini» e «attaccare persone in base alla loro religione, al colore della pelle, o alle loro presunte origini, è una barbarie».
Una barbarie, certo. Sono spiacente, ma personalmente non conosco barbari. Conosco solo individui che devono sopravvivere in mezzo alla civiltà, fra le maglie della grande frantumatrice economica (che divora anche bambini), che la politica spesso arruola sotto bandierine verdi, azzurre, rosa, rosse, tutte tricolori alla fine. Alcuni si adattano abbastanza bene, altri non ce la fanno; gli uni gridano «viva la patria!», altri ne hanno le scatole piene e si tirano un colpo in testa o si impiccano, lasciando una frase che suona pressappoco «il lavoro mi ha ucciso». Gli uni si arrangiano come possono per raccattare qualche briciola, pronti a fregare altri come loro costretti ad arrangiarsi. Gli uni tessono le lodi delle virtù di questa società, del lavoro e della famiglia, gli altri (a volte gli stessi) s’imbottiscono di Prozac solo per… tirare avanti. Ce ne sono anche alcuni che non ne possono più di questa vita di merda, ma che prima di schiattare si ribellano, mordono la mano al padrone, rovinano la vita a chi dà ordini. Alcuni fra loro non se la passano troppo male, altri (quanti milioni in questo pianeta murato?) finiscono dietro le sbarre. Altri ancora vengono ammazzati dagli sbirri. Qualcuno spara nel mucchio, spesso rivendicando una causa, o a partire da ciò che si suole definire nichilismo.
Vedo molto bene tutto questo, ma non ho mai visto un barbaro. Barbaro, barbaro… ah sì, barbaro, quello che per definizione si oppone alla civiltà. C’è la civiltà e c’è la barbarie. I barbari ed i civilizzati. I cittadini ed i selvaggi. Gli uni sono cortesi ed educati, mangiano a tavola e sono puliti, sono saggi a scuola, utili alla società, e questa rende loro omaggio con una piccola lapide di marmo nell’ora fatale. Gli altri… che orrore! Ma in questo caso si tratta di un nuovo tipo di barbaro, di un barbaro che corre su una T-Max Yamaha equipaggiato con armi automatiche. Un barbaro al culmine della tecnologia, e animato da una ideologia. Mettiamo un po’ d’ordine in questo merdaio. Armi da guerra, potente veicolo a motore, razzismo, ideologia, comportamento freddo e controllato, arte del grilletto e pure videocamera incorporata. Il nostro barbaro non era vestito con pelli animali, non teneva in mano una rozza clava, aveva sicuramente in testa un argomentario ben ponderato per spiegare perché bisogna eliminare metodicamente e freddamente tutto ciò che è «ebreo» (i militari, sono un’altra cosa) dalla faccia della terra. Isolato, dite? «Pazzo»? «Terrorista»?
Isolato. Non di certo. Per nostra disgrazia, di persone che pur senza premere il grilletto all’impazzata sono animate dall’ideologia razzista e/o religiosa ce ne sono state un sacco nel passato, ce ne sono parecchie ancora oggi, e questo a tutti i livelli e in tutti i posti della società, «servitori di Dio» così come militari, persone qualsiasi o personaggi dello Stato. L’«assassino in motorino» ha agito forse da solo, ma ciò che lo ha fatto agire, la sua rancida ideologia, occupa la mente anche di un gran numero di persone. In altri termini, si parla dell’albero che nasconde la foresta o della punta visibile di un iceberg.
Pazzo. Come dire… In fin dei conti questo termine è distorto come quello che indica i famosi «barbari». Chi è pazzo, chi è «sano di mente» e incarnazione della Ragione Pura – ampia questione che magari agita freneticamente i pensieri e i calcoli di esperti, sociologi, medici, genetisti, psicologi, psicanalisti, psichiatri e altri psicoterapeuti, ma che a dire il vero ci lascia alquanto indifferenti. La follia viene descritta a volte come l’incapacità di conformarsi alle norme sociali, altre volte come il risultato al contrario di un eccesso di normalità, si parla dei pazzi d’amore, dei pazzi da legare. Il denaro, il potere, l’ambiente circostante deprimente, il lavoro, la gelosia, l’automobile come la metropolitana, il possesso e lo spossesso, la reclusione, le medicine infine, rendono le persone «pazze». La società rende «pazzi». Parlare di follia nel caso specifico significa impedire di mettere il dito sull’ideologia e sulla logica morbosa che stanno dietro all’atto.
Terrorista. Per il momento si sa che l’assassino ha ucciso e che ha creato un certo terrore. Forse il suo scopo era solo quello di uccidere, forse voleva al tempo stesso uccidere e seminare terrore. Ma non lo sappiamo. Pensiamo di aver detto abbastanza all’inizio di questo testo a proposito della questione del terrorismo: che si invochi il Führer, non so quale Dio o profeta, o la Repubblica democratica, un massacro (più o meno discriminato, non fa una grande differenza) resta un massacro, e il potere resta il potere, il dominio vuole dominare, e perciò uccidere in massa e terrorizzare vanno di pari passo; terrorizzare e controllare (in maniera più o meno violenta), terrorizzare per sfruttare. Lo Stato è necessariamente terrorista, è lui che ha creato il concetto di Terrore e la realtà che ne consegue.
Ed è lo Stato che pretende, non solo a partire da quel lunedì in cui quattro persone sono state abbattute in una scuola di Tolosa, ma da decenni, di condurre la lotta «antiterrorista». «La Repubblica è molto più forte del terrorismo», declama il capo dello Stato. Sarebbe facile rispondergli (se avessimo la bizzarra idea di voler dialogare con il potere): «La Repubblica è forte come il terrorismo, per mezzo del terrorismo». Certo sarebbe semplicistico vedere nel dominio solo il risultato del terrore imposto con la forza. Esiste anche una forma di consenso, di interesse talvolta condiviso fra lo Stato e alcuni pezzi della società, di accettazione più o meno velata di disgusto. Servitù volontaria e rassegnazione, servilismo per vigliaccheria o per convinzione, per paura o per rassegnazione. Una rassegnazione più o meno monetizzata. Una sottomissione ottenuta col ricatto di crepare di fame, di ritrovarsi sulla strada. Con la carota ed il bastone, con il salario e la prigione.
Fatto sta che il governo ne ha approfittato per decretare il passaggio al livello «scarlatto», ossia il massimo grado, del piano Vigipirate nella regione meridionale dei Pirenei e nei dipartimenti limitrofi. Non una sola delle carogne politiche, adoratrici del potere, che l’abbia criticato su quel punto, e questo può stupire solo gli stupidi. Nella fraseologia cangiante propria della lingua di Stato, ecco a cosa mira il piano Vigipirate elevato a quel livello: «prevenire il rischio di attentati maggiori (simultanei o meno), avviare appropriati mezzi di soccorso e di risposta, possibilità di mettere in atto misure particolarmente restrittive, proteggere le istituzioni e garantire la continuità dell’azione di governo». In due parole come in mille: occupazione poliziesca e militare ad ogni angolo di strada, sorveglianza onnipresente, possibilità di controlli in qualsiasi momento, in ogni luogo e senza «giustificazione formale», paura diffusa. Si tratta dell’ultimo stadio prima dello stato d’emergenza. La stessa cosa dei tempi normali, si sarebbe tentati di dire. Sì, solo con in più l’effetto dell’annuncio, e con un po’ più di intensità e soprattutto di mezzi. Il piano Vigipirate è attivo dall’inizio degli anni 90, al livello «rosso» dopo gli attentati a Londra nel 2005. Ma la democrazia si riserva sempre la possibilità di stringere o allentare la stretta del suo controllo sociale sulle popolazioni in funzione della situazione: sommosse generalizzate, situazione pre-insurrezionale, stato di guerra, catastrofe nucleare… Le situazioni cosiddette d’emergenza, decretabili e moltiplicabili a piacimento, permettono di meglio radicare nella mente e nella vita di ciascuno l’abitudine ad essere rinchiusi, sorvegliati, trasferiti, schedati, controllati. Di riconfermare il monopolio della violenza nelle sole mani dello Stato, e in modo visibile, perfino dimostrativo. È quindi inutile indignarsi davanti a presunte «leggi eccezionali» che sarebbero il rovesciamento della normalità democratica. Le due cose sono inseparabili.
Che dire inoltre di questo mondo polarizzato in identità immaginarie? Quando l’assassino ammazza persone di origine musulmana, vengono convocati i «rappresentanti» della «comunità» musulmana per esprimere il proprio cordoglio. Poi, quando vengono ammazzate persone di origine ebraica, si convocano gli equivalenti ebrei. Come se il dispiacere causato dalla morte di un individuo riguardasse solo i suoi correligionari, come se dovesse appartenere per forza ad un gruppo sociale ben definito. È in questa confusione identitaria tipica dell’epoca, unita a quella che Dagerman definiva «dittatura del dispiacere», che il velo nauseante dell’autorità consolida il proprio dominio sui suoi sudditi. Perché il presidente si sente obbligato ad andare a spiegarsi con il primo ministro israeliano ogni qualvolta viene perpetrato un crimine razzista contro una persona indicata dai suoi aggressori come ebreo? Quelle persone appartengono allo Stato israeliano? Appartengono ad una qualsivoglia comunità prima di appartenere a se stesse? Quando fa comodo al potere, le vittime sono prima di tutto francesi, «figli della Repubblica», e quando bisogna lisciare il pelo alle lobby religiose si utilizza il discorso opposto. Comunque sia, si resta nel culto della carogna e nelle logiche politiche ed elettorali di recupero, a seconda delle opportunità.
In una toccante unanimità, i nostri eco-social-sovrano-centro-frontedisinistra-fascio-reazionari mescolano le loro voci per intonare: «Viva la Repubblica! Viva l’Unità Nazionale!». Le poche voci parzialmente critiche di questo ricatto si sono affrettate a precisare che comunque incoraggiano il lavoro degli inquirenti e delle forze dell’ordine, ovvero la Sezione Anti-Terrorista, e che in caso di cambio della maggioranza in parlamento gli strumenti dei servizi di sicurezza saranno accresciuti. L’Unità Nazionale, parliamone. Quella che si entusiasmava nel XIX secolo ad andare nelle contrade lontane a portare i lumi repubblicani a colpi di cannone, sciabola ed aspersorio, quella che collaborò al macello del 14-18, quella che portò Pétain sul trono, quella che rimise in piedi il capitalismo nel 45 sganciando qualche bomba a Sétif e lasciando tranquilli i collaborazionisti, che massacrò, torturò e gettò allegramente nella Senna durante la guerra d’Algeria. Quella che permise al potere di meglio isolare, reprimere ed eliminare i refrattari, i ribelli, i senzapatria, i rivoluzionari, quelli che sputano su tutte le bandiere e su tutti i regimi. Che rifiutano di andare a farsi bucare la pelle e di bucare la pelle altrui per interessi che non sono i loro, che non lo saranno mai.
Noi siamo fra questi ultimi, e contiamo di non restare impotenti in una posizione di rifiuto. Rifiutiamo e ci battiamo al tempo stesso contro il ricatto dell’unità nazionale, l’adesione sotto la bandiera repubblicana, che è sempre l’orrore statale e capitalista. Così come rifiutiamo di ululare insieme ai lupi avidi dei racket comunitari e religiosi, quest’altra forma di museruola universale che, lungi dall’opporsi all’addomesticamento politico e al regno del denaro, ne è storicamente compagna di strada, assai efficiente nel diffondere gerarchia, fatalismo, obbedienza e divisione fra i poveri.
Se noialtri oppressi, indesiderabili e ribelli in questo mondo dobbiamo criticare e combattere giorno dopo giorno tutto ciò che ci rende schiavi, questo non avverrà mai sparando nel mucchio, né per diffondere il terrore e l’orrore, ma precisamente per farla finita con tutto ciò che ne è la causa: lo Stato, il razzismo ed il nazionalismo, il denaro, Dio.
Per la libertà. Libertà per tutti e tutte.
Né cittadini, né sbirri. Né fascismo, né democrazia. Né religione, né terrore. Né denaro, né Stato. Né patria, né nazioni, né frontiere. Né padroni, né schiavi.
20 marzo 2012
http://www.non-fides.fr/?Terrore-e-unita-nazionale