Rien d’humain ne se fait sous l’emprise de la peur

Figura3

Par Os Cangaceiros (2 février 1986)

La série d’attentats commis récemment à Paris à pour conséquence immédiate le renforcement du contrôle policier. Paris est aujourd’hui sous État de siège. Le caquetage des médias sur te thème : “Qui a fait cela ?” masque la question essentielle : “A quoi cela sert-il ?” L’exploitation policière et spectaculaire de ces attentats participe d’une stratégie d’État : rendre le climat de défaite généralisée en France encore plus absolu. Une idée doit rentrer progressivement dans les têtes :

l’accroissement et la systématisation des mesures répressives sont nécessaires et inéluctables. La banalité des lieux visés par cette stratégie de la panique diffuse ren­force chez chacun et chez tous le sentiment d’angoisse et d’impuissance. Le terrain est prêt, la jus­tice peut enterrer vivant quiconque relève la tête.
Dans ce pays maudit, tout prolétaire qui ne se sent pas coupable est suspect et peut se faire assassi­ner comme tel. Depuis l’embrasement des banlieues françaises en 81, l’État a laissé à l’initiative des beaufs la réaction sociale qui précipita l’écrasement de tous ceux qui s’agitaient dans ce pays. Les bombes déposées dans les cités marseillaises (à La Cayolle et Bassens en 81, à La Bricarde en 83) et les étés meurtriers de 82 et 83 sont deux aspects d’un moment décisif. La terreur et l’isolement paralysent à présent la plupart de ceux qui ne se sont pas soumis, quand ce n’est pas la justice qui s’en charge.

L’État enfonce le clou. Il parachève dans la loi ce qui s’est déjà réellement imposé. Le projet Badinter de code pénal modernisé entérine le permis de tuer en étendant la “légitime défense” à la défense des biens. Le décor est planté : garde-à-vue de 4 jours, réunion des fichiers criminels et ter­roristes, aggravation générale des peines pour toutes les formes de délinquance, suppression des remises de peines…

Les médias s’emploient à faire croire que seuls les terroristes s’attaquent à l’État et que par consé­quent tous ceux qui s’attaquent à l’État sont des terroristes. Leur intention est claire : assimiler tout acte de révolte à du terrorisme, tout en décuplant la charge émotionnelle attachée à ce mot. Le ter­rorisme est la continuation de la politique par d’autres moyens.

La campagne de sabotages menée en faveur des mutineries dans les prisons (été 85) était l’œuvre de quelques prolétaires organisés. Les médias l’ont attribuée à de mystérieux “terroristes du rail”. Plus récemment, le 20 décembre 85, les grévistes sauvages du métro furent accusés de prendre en otages les parisiens. Ce même jour, à Nantes, Courtois, Khalki et Thiolet auraient même pris les médias en otages. Abject renversement de la réalité de la part de ceux dont le métier est justement de coloniser les esprits ; ces requins qui nous déplaisent particulièrement.
L’intoxication touche ici à son but. Les procès à venir vont se dérouler dans l’ambiance la plus mal­saine pour ceux qui sont réellement la cible de l’État. Après avoir été cloués au pilori du terrorisme, ils prendront des peines ahurissantes.

Contrairement à ce qui s’est passé en Italie dans les années 70, ces attentats ne sont pas les dernières cartouches d’un État aux abois. En France, ses partisans entendent consolider au maximum la posi­tion de force qu’il a acquise ces dernières années. L’État italien a usé de moyens expéditifs suscepti­bles de créer une terreur dans la population et de justifier par la même occasion le recours extraordi­naire à sa police, voire à son armée. Mais on sait depuis, qu’un tel recours “extraordinaire”, imposé à un moment, devient ensuite la règle.

Nous subissons directement l’intensification des moyens de contrôle. Le sinistre précédent alle­mand donne l’avant-goût de ce qui nous pend au nez. II devient de plus en plus difficile de se dissi­muler aux yeux de l’État. Dans ce monde, seules les marchandises peuvent circuler librement. Pour nous, les pauvres, le simple fait de circuler devient périlleux.

A BAS LA FRANCE !

Paris, le 12 février 1986
OS CANGACEIROS.
[Extrait d’Os Cangaceiros n°3.]