A Marseille, les travailleurs sans-papiers au piège des frontières urbaines (fév 2009)
La porte d’Aix est certainement le point d’entrée et de sortie de Marseille le plus remarquable : dans quelle autre ville une autoroute s’arrête/commence-t-elle au pied d’un arc de triomphe ? Le flot incessant des voitures qui s’y embouteillent allègrement donne à la police d’excellents prétextes pour y pratiquer des contrôles routiers quasi permanents : ceintures mal attachées, clignotants défectueux, franchissement de feux orange un peu trop rouge, vérification d’assurances… Des mauvaises langues parleront également de délits de sale gueule – au-delà de l’état douteux d’une carrosserie. Ah bon ?
Du coup, pour beaucoup, c’est souvent mauvaise pioche que de passer par là: mais sans faire de longs détours aux heures de pointe, peut-on faire autrement ? Surtout que les flics sont aussi en embuscade place Marceau, ou vers la gare… C’est que bien sûr, ces contrôles routiers (officiellement) se transforment régulièrement en contrôles d’identité, dans les règles de l’art. C’est ainsi par centaines que, chaque année, des sans-papiers se font pincer – sur la route du boulot. S’enchaînent alors garde-à-vue, centre de rétention (rutilant, au Canet) puis pour ceux ciblés par un Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), la déportation au bout du tunnel – les Baumettes pour ceux qui ne lâchent pas leur identité, ou qui résistent à leur embarquement.
La banalité de ce quotidien urbain, tout en violence étatique aseptisée, continue pourtant de renforcer notre rage et notre détermination : l’évidence de cette pratique policière nous rappelle que la frontière est bel et bien un mode généralisé de gestion de la population, et pas seulement un révélateur de l’ordre économique et coercitif de ce monde. Aujourd’hui, dans ce monde de la mobilité obligatoire, dans cette société à grande vitesse, c’est bien par le flux (tendu) et dans la frontière qu’on voudrait nous voir (sur)vivre. Et les migrants, avec ou sans papiers, de rappeler sans cesse que ce ne sont pas nous qui traversons les frontières, mais bel et bien les frontières qui nous traversent.
les murs basculent…
Révoltes, mutineries, évasions, grèves de la faim, campagnes de mobilisation et appels à soutien se succèdent dans les prisons et les centres de rétention en Europe et ailleurs.
À la lecture de certains communiqués et lettres de prisonniers publiés durant l’été, on comprend que les événements successifs se sont parfois répandus. des blocages et autres actes de résistances dans des taules ont parfois eu lieu pour soutenir des mouvements dans d’autres taules. Un même discours contre les conditions carcérales et l’enfermement s’est fait entendre de communiqués en revendications, et la presse s’est bien gardée de faire le lien entre ces différents événements. En bref, il y a eu des tentatives de la part des prisonniers et prisonnières pour s’organiser de l’intérieur et résister de multiples façons.
Dans le contexte économique actuel, où nos conditions de survie se dégradent de plus en plus, les prisons et les centres de rétention sont un rouage de la machine à exploiter et à contrôler par lesquels l’état renforce sa domination. Pour maintenir une pression permanente, les salles des tribunaux tournent à plein régime et les prisons de toutes sortes se remplissent.
Cette brochure est une compilation de lettres et communiqués de prisonniers et prisonnières et d’articles de la presse qui témoignent des mouvements qui ont eu lieu cet été dans les prisons et les centres de rétention en France, en Italie, et ailleurs. La liste des événements est loin d’être exhaustive, mais elle permet de cerner un peu mieux l’ampleur de la contestation, de contribuer de l’extérieur à diffuser l’information et relayer des pratiques de résistance, avec la volonté de briser l’isolement “pour qu’enfin on danse sur les ruines de cette porcherie“.
Affiche en solidarité
Beau comme un C.I.E. en flamme
Les CIEs (Centres d’Internement des Étrangers) remplissent une fonction importante dans le système d’expulsions et de contrôle des flux migratoires. S’appuyant sur la Loi sur les étrangers, l’État espagnol, en harmonie avec l’union européenne, tente de définir qui a et qui n’a pas le droit de faire sa vie à l’intérieur des murs de la forteresse Europe. L’éternelle division entre migrants désirables et indésirables vient soutenir un système économique basé sur l’exploitation et le contrôle. L’existence des CIEs met en évidence la présence des frontières dans tous les recoins de l’État, dans une tentative continuelle de maintenir l’ordre et la soumission, sous la menace constante pour celles et ceux qui n’ont pas de papiers de tomber dans une rafle et de se voir enfermé jusqu’à 60 jours. Et ça seulement en arrivant à éviter une expulsion.
Pendant les années de prospérité, même le patronat avait compris l’utilité de l’existence de personnes sans papiers pour ainsi mieux les exploiter.
Depuis l’arrivée de la crise, les choses ont changé. Avec un chômage de 27% les migrant-e-s sont désignés plus que jamais comme les coupables de toutes les misères autochtones.
Le racisme, tant dans la société espagnole que catalane, se nourrit de cette misère.
L’État déploie tout sont appareil répressif à travers les prisons, les rafles et les expulsions.
Mais toujours, là où il y a enfermement, il y a résistance.
Tant dans l’État espagnol que dans le reste du monde la résistance fait partie du quotidien des détenu-e-s des CIEs.
Résistance qui prend différentes formes.
Résistance collective, individuelle, passive, radicale, silencieuse ou évidente :
Il y a celles et ceux qui refusent de rentrer en cellule à la nuit.
Il y a celles et ceux qui refusent la nourriture en solidarité avec un-e compagnon-ne maltraité-e.
Il y a celles et ceux qui brûlent leur matelas pour faciliter la fuite d’autres.
Il y a celles et ceux qui alimentent une révolte pour mettre des limites à l’arbitraire des matons et ne pas rester silencieux.ses face à leurs abus.
Celles et ceux qui montent sur les toits pour demander leur liberté ou protester contre la surpopulation.
Celles et ceux qui se mutilent pour empêcher une expulsion.
Celles et ceux qui transmettent des informations pour faciliter la solidarité depuis l’extérieur et que ne puisse pas se poursuivre silencieusement l’injustice des CIEs.
Celles et ceux qui décident de refuser l’expulsion en résistant à l’aéroport.
Il y a celles et ceux qui coupent les grillages, sautent les palissades et trompent la vigilance.
Il y en a tant, qui cherchent la liberté.
Dans n’importe quel lieu où il y a des CIEs, des frontières, des États, une restriction de mouvement, il y aura des personnes rebelles qui avec des petits ou des grands gestes démontrerons au pouvoir que le désir de liberté ne pourra jamais être abattu.
Solidarité avec les luttes des prisonniers.ères dans les CIEs.
À bas les murs et les frontières.
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[Traduction trouvée sur sanspapiersnifrontieres le 1er janvier 2014]