Mouvement anarchiste et antirépression en Biélorussie

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L’Anarchist Black Cross Biélorusse est actuellement en France pour une tournée d’information et de soutien, et sera de passage à Lyon le mercredi 21 mai, à 19h à la librairie La Gryffe. Une occasion pour venir s’informer sur la situation en Biélorussie et la répression à laquelle font face les anarchistes locaux, et pour soutenir ce groupe de soutien aux prisonniers anarchistes biélorusses.

La Biélorussie est une auto­cra­tie post-sovié­ti­que dont le chef d’état est le même depuis 1994. Ce der­nier, Aleksander Lukashenko, doit sa lon­gé­vité à un contrôle par­ti­cu­liè­re­ment ferme et répres­sif des dif­fé­ren­tes ins­ti­tu­tions du pays : le mul­ti­par­tisme est peu déve­loppé et les élections régu­liè­re­ment fal­si­fiées ; la presse indé­pen­dante est régu­liè­re­ment répri­mée (il y a quel­ques années, six jour­naux indé­pen­dant ont été inter­dits de publi­ca­tion) et la dis­tri­bu­tion de flyers, livres, jour­naux ou autre pro­pa­gande n’ayant pas reçu l’aval du gou­ver­ne­ment est pro­hi­bée ; l’Internet est contrôlé par le gou­ver­ne­ment – chaque Internet café ou réseau Wifi doit pou­voir four­nir l’iden­tité des per­son­nes y accé­dant. L’adhé­sion à une orga­ni­sa­tion non décla­rée est punis­sa­ble par une peine pou­vant aller jusqu’à trois ans de prison, et le simple fait de s’assem­bler sans auto­ri­sa­tion peut entraî­ner une déten­tion.

Un large éventail de lois répres­si­ves ont ainsi été mises en place par l’État bié­lo­russe afin d’étouffer toute oppo­si­tion au sys­tème en place. En consé­quence, les oppo­sants à Lukashenko – en grande majo­rité natio­na­lis­tes ou libé­raux pro-euro­péens – n’ont que très peu de moyens pour s’orga­ni­ser, et encore moins pour dif­fu­ser leurs idées auprès de la popu­la­tion.

Malgré toutes ces bar­riè­res, un mou­ve­ment anar­chiste a pu se déve­lop­per en Biélorussie. Une pre­mière vague est appa­rue dans les années 90, a une époque où la cri­ti­que du sys­tème en place n’était pas aussi répri­mée qu’aujourd’hui. Après le déclin et la dis­pa­ri­tion de ce pre­mier mou­ve­ment vers le début des années 2000, une deuxième vague émergea, issue de la scène punk et ins­pi­rée par des métho­des de lutte pra­ti­quées dans les pays occi­den­taux telles que le vega­nisme, le droit des ani­maux, les mou­ve­ments squat et black blocks. En oppo­si­tion à ces métho­des qua­li­fiées par cer­tain-e « d’anar­chisme de style de vie » (« Lifestyle anar­chism », un concept théo­risé par Murray Bookchin), un autre mou­ve­ment anar­chiste s’est créé, plus axé sur les luttes socia­les et l’action directe. Au fil du temps, ces deux mou­ve­ments ont réussi à dépas­ser en nombre cer­tains grou­pes libé­raux d’oppo­si­tion, et se sont impo­sés comme un mou­ve­ment ayant un cer­tain poids parmi les oppo­sants à Lukashenko. Ceci est néan­moins tout rela­tif, le mou­ve­ment anar­chiste demeu­rant très faible et mino­ri­taire auprès de la popu­la­tion.

L’Anarchist Black Cross Biélorusse
L’ABC Biélorusse, formée en 2000-2001, a pour but de sou­te­nir les inculpé-es anar­chis­tes, anti-auto­ri­tai­res et anti­fas­cis­tes, et dans cer­tains cas d’autres acti­vis­tes qui ne font pas for­ce­ment parti du mou­ve­ment anar­chiste. Depuis 2009, l’ABC Biélorussie a connu un regain d’acti­vité, les anar­chis­tes Biélorusses ayant été à l’ori­gine d’un cer­tain nombre d’actions illé­ga­les dont cer­tai­nes ont entraîné des dégât maté­riels. La répres­sion contre le mou­ve­ment a vite suivi, et plu­sieurs anar­chis­tes se sont vu infli­ger des peines de prison.

L’action de l’ABC Biélorusse est sur­tout axée sur la pro­pa­ga­tion d’infor­ma­tion, le sou­tien finan­cier aux pri­son­nier-es, et la lutte pour que les pri­son­nier-es anar­chis­tes obtien­nent le statut de pri­son­nier-es poli­ti­ques. Sur ce der­nier point, grâce aux pres­sions de l’ABC auprès des orga­nis­mes de défense des droits de l’homme, les pri­son­nier-es anar­chis­tes bié­lo­rus­ses ont été ajou­tés à la liste des pri­son­niers poli­ti­ques dont le par­le­ment euro­péen demande la libé­ra­tion. En consé­quence, deux d’entre eux se sont vu pro­po­ser leur libé­ra­tion contre la signa­ture d’une lettre d’excu­ses, ce qu’ils ont refusé. Actuellement, l’ABC Biélorusse sou­tien acti­ve­ment sept pri­son­niers.

Comme tout autre groupe d’oppo­si­tion à Lukashenko, l’ABC Biélorussie fait face aux lois répres­si­ves et n’a que peu de moyens d’action. L’orga­ni­sa­tion est clan­des­tine ; pour éviter tout risque de déla­tion, et les iden­ti­tés des acti­vis­tes sont gar­dées secrè­tes même auprès des autres anar­chis­tes. La soli­da­rité inter­na­tio­nale est un moyen de lutte sur lequel l’ABC Biélorusse compte beau­coup, vu les dif­fi­cultés pour s’orga­ni­ser au niveau local et la fai­blesse du mou­ve­ment anar­chiste face à l’arse­nal répres­sif de l’État. C’est pour cela que le groupe orga­nise régu­liè­re­ment – qua­si­ment une fois par an – des tour­nées d’infor­ma­tions et de sou­tien finan­cier dans plu­sieurs pays d’Europe. Le mer­credi 21 Mai au pro­gramme de la soirée :

– La situa­tion actuelle du mou­ve­ment anar­chiste en Biélorussie
– La situa­tion actuelle de la répres­sion en Biélorussie
– La semaine de soli­da­rité avec les pri­son­niers anar­chis­tes
– Discussion sur “L’anti­ré­pres­sion et le tra­vail de soli­da­rité au sein du mou­ve­ment anar­chiste”
– Présentation du livre « Sur la route de Magadan », le témoi­gnage d’un anar­chiste bié­lo­russe arrêté en 2010 et condamné à 8 ans de colo­nie péni­ten­tiaire.

Librairie la Gryffe :
5 Rue Sébastien Gryphe, 69007 Lyon
19h
buffet végé­ta­lien et bois­sons en sou­tien aux pri­son­niers