1er numéro de “Merhaba Hevalno mensuel” – des nouvelles du Kurdistan

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Bien que les luttes du peuple Kurde commencent à apparaître, de manière très limitée, dans les médias classiques français, cela ne signifie pas pour autant que ces luttes soient quelque chose de nouveau. Il n’est pas question d’un groupuscule armé faisant son apparition soudaine sur la scène politique du Moyen-Orient, mais bien d’un vaste mouvement populaire révolutionnaire qui a su combiner les luttes armées, politiques et sociales, tenant une position très importante, et souvent ignorée, dans les conflits de la région. Nous voudrions, en publiant ce bulletin, mettre en mot et en acte notre solidarité avec les mouvements de résistance au Kurdistan. Malgré la complexité de la situation là-bas (des dizaines de partis politiques, d’organisations, de groupes armées, etc.), sans parler du fait que la région nommée « Kurdistan » soit actuellement divisée entre quatre pays, nous tenterons de rendre les articles aussi accessibles que possible, en prenant bien en compte le fait que, de loin et de nos points de vue (majoritairement) occidentaux, nous sommes très loin d’avoir une compréhension globale de la situation.

Nous pensons à toutes celles et ceux qui, dans leurs montagnes, dans leurs quartiers, à la campagne ou en ville, résistent et se battent pour que le peuple kurde, ainsi que ses luttes et sa résistance, ne se fassent ni enterrer par les États et groupes fascistes du Moyen-Orient, ni récupérer par les puissances coloniales occidentales, dont bien sûr notre chère France fait partie.

Nous saluons aussi toutes celles et ceux qui se mobilisent déjà en Europe pour que cette révolution continue à faire écho ici, et pour qu’elle ne tombe pas dans l’oubli ni dans la déchetterie de l’ignorance générale créée par les médias classiques. Nous espérons, enfin, que cette publication puisse donner, si petit qu’il soit, un souffle à l’élan de solidarité avec les mouvements kurdes, et que les mots puissent renforcer et nourrir nos luttes à nous tout-e-s, là-bas comme ici.

Ce bulletin mensuel autour de l’actualité du Kurdistan est notamment rédigé depuis la ZAD de NDDL, mais pas seulement ! Un certain nombre de camarades de Toulouse, Marseille et d’ailleurs y participent…

Pour nous contacter : actukurdistan@riseup.net

Téléchargez le pdf (16p A4), imprimez et photocopiez-le et diffusez-le autour de vous, partout !

Sommaire :
- Massacres à cizre
- Panorama historique des luttes au Kurdistan
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- Les YPS-Jin aux femmes du monde
- Un volontaire français dans les YPG
- Appel du collectif Solidarité Femmes Kobanê suite aux attentats du 13 nov.
- Sakine, Leyla et Fidan
- Brèves du Bakur, du Rojava, d’Irak et d’Iran, de Turquie et d’Europe
- Carte, glossaire, agenda

Extrait de l’Appel du collectif Solidarité Femmes Kobanê suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris :

Contre l’union nationale : Solidarité internationale !
A Beyrouth, Rakka, Ankara, Suruç et maintenant Paris et Bamako, Daesh fait des milliers de victimes dans le monde. Nous exprimons notre solidarité politique avec toutes les personnes attaquées par la violence de Daesh, qui est déter miné à continuer. Mais nous savons que la solidarité avec les peuples victimes de Daesh ne signifie en aucun cas le soutien à l’Etat français et aux autres puissances impérialistes qui ont leur part de responsabilité dans ce drame.
En effet, les grandes puissances impérialistes se sont appuyées sur les différents gouvernements du Moyen Orient, de l’Afrique du Nord et du Mali, pour maintenir leurs intérêts économiques. Elles ont aidé les puissances régionales à écraser les soulèvements des peuples, à opposer chiites et sunnites, et à semer le chaos qui a permis au courant idéologique obscurantiste de Daesh de se développer.
Aujourd’hui encore, les États européens soutiennent indirectement Daesh. L’Etat français vend des armes au régime wahhabite de l’Arabie Saoudite, et s’allie à Erdogan, les deux principaux soutiens de Daesh dans la région. Alors, nous dénonçons l’impérialisme et refusons que la lutte contre Daesh passe par des guerres au Moyen-Orient et en Afrique décidées par les intérêts des grandes puissances occidentales. En tant que féministes, nous devons construire des solidarités politiques avec les peuples qui résistent contre Daesh

Extrait de l’entretien avec un militant de diyarbakir “Guerre et paix’ :

Les choses ont beaucoup changé depuis quelques mois. Tout le monde au Kurdistan réclame la paix à corps et à cris. Mais la guerre s’intensifie partout : en Syrie et en Irak, elle continue de s’étendre, et en Turquie, l’État a recommencé sa sale guerre au Kurdistan. Depuis deux semaines, il assiège Sur, le quartier historique de Diyarbakır… Comment imagines-tu la suite des choses ? Que va-t-il se passer ?

Pour parler de ce qu’il se passe actuellement au Kurdistan, et des changements à l’œuvre ces derniers mois, il est impératif de prendre en compte les mouvements sociaux et politiques en Turquie, en Syrie et en Irak, et de mesurer l’impact des puissances internationales sur ces réalités, parce que la guerre en Syrie et en Irak, et plus spécifiquement au Rojava, a des répercussions et des effets sur la situation au Kurdistan turc.
Avant les élections du 7 juin 2015, il y avait un accord de paix entre l’État turc et le PKK. Cet accord a été rompu lors d’une réunion des MGK (Milli Güvenlik Konseyi, le Conseil de sécurité) en octobre 2014 : l’État turc prend alors la décision de repartir en guerre. Sauf qu’il n’a pas encore de raison valable à mettre en avant.
Pour justifier son choix et faire monter la tension, plusieurs attaques meurtrières ont donc été perpétrées par l’État contre le mouvement kurde pendant la campagne des élections législatives, mais les militants « pro-kurdes » n’ont pas répondu à la provocation.
Et le massacre de Suruç peu de temps après le scrutin du 7 juin révèle malheureusement la signification de la grande victoire du HDP avec ses 80 députés élus. 33 jeunes qui devaient amener des jouets pour Kobanê y ont en effet trouvé la mort le 21 juillet. Le mouvement kurde est resté ensuite suffisamment fort pour continuer à réclamer la paix. Mais après ce qui s’est passé à Caylinpinar, avec la mort de 2 policiers [tués en réponse au massacre], l’État turc a enfin trouvé le prétexte qu’il attendait : le 24 juillet, il décide d’attaquer le PKK à plusieurs endroits et envoie 60 avions bombarder les positions de la guérilla dans les montagnes.
Mais la vraie question, en fait, n’est pas là. Pour le Rojava, l’idée était de rallier le canton de Kobanê à celui de Cizre : Tall Abyad, la ville frontière côté « syrien » a été reprise à Daech, et les deux cantons ont pu ainsi être reliés. Cela coupait le passage que l’État turc et l’État islamique empruntaient pour passer d’un côté à l’autre. Les élites turques et le haut commandement militaire ont rapidement pris la décision conjointe de déclarer la guerre aux kurdes, pour éviter l’ouverture de ce fameux corridor kurde, de Mossoul et Kirkuk jusqu’à la mer méditerranée. Pour les autorités turques, cela représentait un vrai cauchemar. Voilà la vraie raison de la guerre déclarée aux kurdes

La suite à lire sur : http://www.kedistan.net/2016/02/16/merhaba-hevalno-mensuel-no1-15-fevrier-2016