banderole “de Mexico à Alençon…”
A Paris, la semaine dernière, un tract a été diffusé en solidarité avec Amélie, Chivo et Fallon, arrêté-e-s et emprisonné-e-s au Mexique depuis 3 semaines, lors de la semaine anniversaire des 20 ans du soulèvement zapatiste. Une banderole a également été déployée au dessus de la station d’autobus de Gallieni (Bagnolet). Toujours en place, on peut y lire “De Mexico à Alençon, détruisons les prisons ! (A) .:” Evidemment en dédicace aux 3 de Mexico, mais aussi en solidarité avec les révoltés de la prison d’Alençon.
Ci-dessous, le texte du tract, ainsi que des éclaircissements plus généraux sur la répression des luttes sociales et anti-autoritaires de ces dernières années au Mexique. Enfin, pour compléter ce sinistre tableau, deux mauvaises nouvelles ces derniers jours : l’assassinat d’une anarchiste mexicaine et la réincarcération d’un compagnon de Mexico…
Solidarité avec Amélie, Fallon & Chivo
Mexico DF. Dans la nuit du 5 janvier dernier, vers 10h du soir, deux groupes d’individus ont attaqué avec des pierres et des molotovs le bâtiment du ministère des communications et des transports de la ville de Mexico et un concessionnaire Nissan situé a proximité, causant des dégâts au bâtiment et à plusieurs voitures.
Lors de l’attaque contre le ministère, la police fédérale qui surveillait le bâtiment a tiré, d’abord en l’air, puis à plusieurs reprises à tirs tendus, sans blesser personne. Mais trois compagnon-ne-s anarchistes sont arrêté?e?s : Carlos, d’origine mexicaine, ainsi qu’Amélie et Fallon d’origine canadiennes. Après une garde à vue, tou?e?s les trois ont été transféré-e-s au Parquet Général de la République et placé-e-s en détention préventive sous arraigo : cette mesure fédérale d’emprisonnement de 40 jours renouvelable une fois par le juge, a pour objectif de donner le temps à l’appareil judiciaire de fixer les chefs d’accusation. Pour le moment, les accusations portées contre les trois compagnon.ne.s ne sont pas claires : sabotage, criminalité organisée, dommages à la propriété, terrorisme…?
Ces arrestations s’inscrivent dans un contexte plus large de répression au Mexique contre les luttes sociales, par des attaques répétées contre des manifestations et par la torture, voire l’assassinat, des personnes arrêté?e?s. Depuis un an, l’état et les médias focalisent particulièrement sur le mouvement anarchiste/anti-autoritaire.
On peut citer par exemple le cas de l’anarchiste Mario Gonzales emprisonné le 2 octobre dernier suite à une manifestation en commémoration des 45 ans du massacre de Tlatelolco, massacre perpétré à Mexico en 1968 (quelques jours avant les jeux Olympiques) par l’État mexicain lors d’une manifestation étudiante, et dont le nombre de victimes s’élèverait à plusieurs centaines de personnes. Mario (qui a fait 55 jours de grève de la faim) vient d’être condamné à 5 ans et 9 mois de prison ferme.
Dans l’histoire de « l’attaque du ministère », l’État tente de monter le récit bien connu d’étrangers venus au Mexique pour y provoquer des perturbations. Le mois dernier il avait déployé la même stratégie avec deux autres compagnons qui venaient participer à une rencontre anarchiste : ils avaient été arrêtés, l’un battu, puis expulsés du pays. Ces dernières années la lutte anarchiste s’est intensifiée dans la ville de Mexico, multipliant les initiatives et les attaques contre le pouvoir et toutes les formes de domination et exprimant une solidarité internationale avec les anarchistes et révoltés incarcérés à travers le monde.
Indépendamment de la culpabilité ou de l’innocence de ces compagnon-ne-s, nous tenons à leur exprimer notre solidarité et notre complicité.
Liberté pour Toutes & Tous
Lettres de Chivo et de Fallon et autres infos
Solidarité : Vancouver – Montréal – USA
Quelques éléments du récent contexte répressif mexicain
Enrique Peña Nieto (EPN) [1], du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) [2], prenait officiellement ses fonctions de président du Mexique le 1er décembre 2012, date marquée par une large mobilisation qui donna lieu à d’impressionnants affrontements, tant par la volonté des manifestants d’empêcher la cérémonie que par la répression qui eu lieu (plusieurs personnes gravement blessées et des dizaines d’arrestations). Ce n’était qu’un début.
Depuis son retour au pouvoir, le PRI s’est attaché à mettre en place plusieurs réformes structurantes, clairement libérales puisqu’elles accélèrent le démantèlement des services publics. A titre d’exemple : une réforme du travail qui institue le salaire horaire sous couvert de progrès social, mais qui dans les faits signifie une baisse réel des salaires ; une réforme énergétique qui consiste à privatiser PEMEX (PEtroleo de MEXico); une réforme de l’éducation qui intensifie la libéralisation du système éducatif et instaure la mise en place de la compétition via une évaluation des professeurs, et oriente considérablement les plans d’études autours des compétences requises par le marché du travail.
Au fur et à mesure de l’agenda politicien, plusieurs secteurs de la population se sont mobilisés. On notera surtout les mobilisations d’étudiants de tendances anarchistes contre la refonte des CCH [3], ainsi que la mobilisation de la CNTE [4], les deux dans le cadre de la réforme éducative. Ces mobilisations forgées dans l’action directe ont donné lieu à de nombreuses manifestations et occupations de plusieurs semaines (notamment de la présidence de l’UNAM par les étudiants radicaux et celle du “Zocalo” de la capitale par plusieurs milliers de professeurs de la CNTE). A chaque fois la répression va de pair. A la violence policière s’ajoutent de grandes manœuvres pour interpeller un maximum de manifestants, et les montages de preuves pour qu’ils soient incarcérés. Un exemple frappant : huit étudiant anarchistes se sont fait arrêter avant même d’arriver à la manifestation du 2 octobre 2013, manifestation de convergence entre étudiants et travailleurs de l’éducation. Ils furent accusés « d’attaque à la paix publique » et de « destruction de matériel public » alors qu’ils n’ont pu atteindre le rassemblement. L’un d’eux, Mario Gonzalez, est toujours enfermé aujourd’hui et gravement affaibli après une grève de la fin de 56 jours.
Politiciens et médias refont surgir le fantôme de l’anarcho-terroriste, entre vrai menace et « jeune casseur », incitant ainsi le bon citoyen à s’opposer à tout acte de violence. S’installe un discours qui dissocie bons et mauvais manifestants, qui isole et criminalise les groupes anarchistes. L’interdiction d’entrer sur le territoire Méxicain d’Alfredo Bonnano et l’extradition de Gustavo Rodriguez s’inscrive dans cette logique de surveillance étroite et de répression.
Notes :
[1] Pour rappel, EPN était gouverneur de l’Etat de México lors de la lutte contre le projet d’aéroport d’Atenco en 2006, il organisa une sévére répression (viols de femmes de militants, meutres, disparitions, déportations de militants étrangers, etc.) avait éte opéré contre le peuple en lutte.
[2] Aprés un règne de 1929 à 2000, puis 12 ans d’absence, le PRI est de retour !
[3] Les CCH (Colegio de Ciencias y Humanidades) sont des écoles dépendantes de l’UNAM qui préparent au concours d’entrée à l’université. Fondées par des Marxistes dans les années 1970, notamment par Adolfo Sánchez Vazquez, l’enseignement de la critique y était central. La réforme éducative prévoyait notamment de retirer les cours de philosophie.
[4] Confederación Nacional de los Trabajadores de la Educación. La section 22 de la CNTE s’est fait connaître pour ses positions radicales et sa participation dans l’APPO et la commune d’Oaxaca en 2006.