La prison de la Santé vient d’être vidée de ses 920 prisonniers… une bonne nouvelle ? Pour sûr non, car les détenus, ils ne les ont bien sûr pas libérés, mais transférés dans d’autres maisons d’arrêt, principalement Fresnes (94) et Fleury-Mérogis (91), d’autres dans le tout nouveau centre pénitentiaire d’Orléans-Saran par exemple, bien souvent plus loin de leurs proches.
Mais les gestionnaires du monde carcéral comptent remplir de nouveau cette dernière taule parisienne après une réhabilitation de ses bâtiments : les architectes parlent de « rupture avec l’aspect actuel très oppressant »… comme si des murs plus nets et moins humides pourraient faire que les prisonniers se sentent « moins enfermés » ?! Il est sûr que des murs plus que pourris, des douches cassées, le froid et autres joyeusetés des vieilles prisons ne font que rajouter à l’humiliation mise en place pour mater les personnes enfermées et les faire revenir plus docilement dans ce qu’ils définissent comme le droit chemin. Mais n’allez pas croire que les constructeurs et rénovateurs de prisons ont pour but le confort des prisonniers… sinon pourquoi enfermer ainsi des individus comme on enferme tout aussi sournoisement les animaux d’élevage ? Il est clair que le but du système carcéral n’est pas d’enfermer pour enfermer, pour éloigner plus ou moins momentanément certaines personnes du reste de la société : cet enfermement a pour but de remodeler (ou juste venir à bout de) la personnalité des détenus, de les dompter, les « convaincre » par l’humiliation et la peur de se soumettre aux règles de l’ordre social, comme le montre bien l’attention toujours croissante à la « réinsertion » : car évidemment, ce que veulent juges et politiciens, ce n’est pas libérer des « fauves » aigris et hargneux décidés à venger leur souffrance, mais des moutons résignés et obéissants, à qui on a appris que la vie c’était celle qu’on « gagne » au turbin, métro-boulot-dodo.
C’est donc pour rendre les prisons à la fois plus acceptables aux yeux de tous, principalement des défenseurs des « droits de l’homme » (comme si l’enfermement dans une cage dorée permettait de conserver toute sa dignité !), mais aussi plus efficaces pour façonner des moutons et non des fauves, que l’on rénove les prisons, certainement pas pour le bien des prisonniers.
Le projet de réhabilitation de la Santé compte parmi ses maîtres-mots l’« amélioration des conditions de travail pour le personnel pénitentiaire » : sachant que plus de sécurité pour les matons, ça veut dire, pour eux, plus de tours de clé, plus de surveillance, donc encore plus de restrictions pour les encagés. Car comme pour tous les défenseurs de ce monde de merde, leur sécurité, c’est notre plaie.
En bref, les travaux dureront normalement jusqu’en 2018. D’ici-là, seul le centre de semi-liberté (entre taf et taule, toujours enfermés) comprenant une centaine de places et déjà récemment rénové restera « ouvert ». La gestion du projet en Partenariat Public-Privé et la recherche d’entreprises prêtes à mener les travaux a été à la charge de l’APIJ (Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice). Et les détails des travaux n’ont pas encore été dévoilés, on a seulement pu entendre parler d’une capacité finale de 800 places (dont 100 en semi-liberté) avec davantage de cellules individuelles, et plus globalement d’une « modernisation des conditions de détention » et du « développement de dispositifs de réinsertion active des détenus ». Quant aux entreprises du bâtiment, architectes et banques collabos de ce projet, leurs noms ont été rendus publics par l’APIJ [voir encadré].
Et pour couronner le tout, les rénovateurs devront veiller à préserver « la symbolique particulière et la valeur patrimoniale de cet établissement »… la symbolique d’une prison… d’autant plus d’une vieille prison, que l’on se souvienne à quel point est tenace cette obsession d’enfermer les récalcitrants… pour nous rappeler qu’il est toujours plus que temps d’en finir avec cette torture ?
Entreprises de construction ou de rénovation, tous ceux qui travaillent à la machine à enfermer sont complices du système carcéral, ne les laissons pas en paix !
Tout le monde dehors !
Constructeurs (et mandataires) :
GTM Bâtiment, du groupe Vinci, des constructeurs de taules chevronnés (CP de Draguignan, rénovation des Baumettes à Marseille, CP de la Polynésie, à Tahiti, CRA du Mesnil-Amelot)
(Futurs) gérants :
Gepsa (du groupe GdF-Suez ; cf. Lucioles n° 9)
Architectes :
PIERRE VURPAS & ASSOCIÉS ARCHITECTES
29-31 rue Saint Georges 6
9005 Lyon
Tél. 04 72 40 95 55
agence@vurpas-architectes.com
vurpas-architectes.com
Ils ont aussi dessiné le Palais de Justice de Lons-les-Saunier, les EPM (prisons pour mineurs) de Quiévrechain, Meyzieu et Chauconin.
A.I.A. Architectes
23, Rue de Cronstadt, 75015 Paris
Tél : 01 53 68 93 00
(et autres adresses un peu partout en France)
a-i-a.fr
Banque de financement :
Barclays Bank, qui finance aussi la construction (toujours en PPP) des prison de Beauvais, Valence (Drôme), Lutterbach (Haut-Rhin) et Riom (Puy-de-Dôme) [cf. Lucioles n° 9]
[Extrait de Lucioles n°18, bulletin anarchiste de Paris et sa région, août 2014.]
P.-S.
Et pour bien se foutre de la gueule du monde et montrer une façade de transparence aux curieux qui oseront s’y aventurer de leur plein gré, le personnel pénitentiaire fera visiter la prison de la Santé au public pendant les travaux lors des journées du patrimoine, en septembre prochain !