Chinoiseries anarchistes du 1er Mai

Par Conrad Frölich (23 avril 1892)

Encore une fois nous allons assister à l’ignoble plaisanterie dont les organisateurs idiots ou crapules, préparent la mise en scène dans tous les endroits où la crédulité populaire est bonne à exploiter !

 

Encore une fois peut-être, les balles bourgeoises iront trouer des poitrines humaines sans défense, pour le bon plaisir et par l’unique faute de ces même organisateurs de mouvement officiels à date et heure fixe !

Qu’en penseront à la fin, les miséreux chargés de fournir les victimes ???

D’autre part, la dynamite est-elle dans la coulisse prête à remplir un rôle dans cet opéra-bouffe ??? Mystère d’avenir prochain !

En tout cas, si cette dernière actrice se dispose à venir mêler sa voix puissante au concert des phraseurs-canailles, il nous est permis d’augurer d’ores et déjà, qu’à elle seule appartiendra le succès oratoire de cette journée de comédie, par la raison bien simple qu’aucun « TARTARIN NAPOLITAIN » au retour de l’expédition de Xérès sur un cheval à mécanique, ne viendra avec son sabre de bois, pour inculquer à cette dame capricieuse, les principes et les règles de l’or-ga-ni-sa-tion, sous peine de l’exposer à subir les piteux échecs dont « Walsall » est le joli modèle !!!

En effet : Deux expérience récentes et à quelques jours d’intervalle viennent à l’appui de notre thèse, pour affirmer la valeur de nos arguments contre l’or-ga-ni-sa-tion et les or-ga-ni-sa-teurs à outrance.

La première faite en Angleterre (février dernier), nous montre une douzaine de pauvres diables ignorant comme des carpes, jouant les ingénieurs pour l’invention d’un nouveau modèle de bombe en cuivre, très compliquée, dont ils dressent des plans (et quels plans hélas !) que chacun modifie et remodifie, et qu’ils portent enfin bêtement… bravement… triomphalement chez un fondeur bourgeois, auquel ils commandent… sérieusement le travail à faire. Celui-ci, aussitôt en possession de la commande dûment signée, se met à l’unique travail qu’il avait à faire, celui de livrer non les bombes… mais leurs ingénieurs-ordonnateurs entre les mains de l’autorité prévenue !

Quelle naïve jobarderie de Gribouille, résultat de l’or-ga-ni-sa-tion de ces pauvres diables sans cervelle, qui sans nul doute, devaient marcher au pas, sous l’œil du plus influent d’entr’eux !!

Et pas un résultat ! Si, ce n’est le bagne pour eux, et pour les « Lords » un immense éclat de rire !!! Corollaire inévitable !

La seconde expérience faite en France presque simultanément, et comme par pure ironie, nous montre un homme seul, calme, résolu, et autant illettré qu’intelligent,— (quelle tuile pour les éducateurs-théoriciens-moralistes ?) — confectionnant lui-même ses bombes très simplement, avec de vulgaires marmites de fonte ou boites à conserves, et les chargeant avec des produits savamment combinés, pour en faire les terribles engins qui produisirent les foudroyants effets que l’on sait, et qui mirent aux trousses de leur auteur, la plus formidable meute de policiers et de journalistes mouchards qui ait jamais été lancée à la chasse à l’homme.

Superbe chasse, si jamais il en fût, et qui revenait bredouille, si le traqué dans son calme magnifique, ne s’était livré lui-même, en parlant d’anarchie à un paysan que ce mot effraya, au point de lui rappeler le terrible anarchiste que tous les jours précédents il regardait sans voir !!!

Avis aux crétins anarchistes qui osent juger et conspuer cet homme, que son amour pour la cause des révoltés a fait se trahir ! Sans quoi l’énorme meute des chiens de la bourgeoisie courrait encore, comme elle le fit inutilement pour Padlewski, autre isolé, qui aussi n’obéissait à personne, et ne s’inspirait que de sa propre initiative !

En fait. Que coûtait-il à Ravachol de se taire complètement après l’action ? Rien !!

Mais il aimait la cause, pour laquelle sa dernière parole d’homme libre le perdit !

Répondez aussi maintenant, jugeurs et accusateurs anarchistes ! Allons continuez vos jésuites rétractations, tas de menteurs ! À ton tour vieille bête de « Révolte » modifie ton attitude puritaine ! Et toi domestique des « châtrés » qui t’appelles « L’Homme Libre » à Bruxelles, fais amende honorable pieds nus, en chemise et un cierge à la main, comme un « plat valet » que tu es ; supportes honteusement l’infamie de tes maîtres, pour leur éviter ainsi qu’à toi-même, la visite de Madame « La Trique » qui prochainement doit aller frapper à ta porte.

Et toi travailleur. tu comprendras par ces exemples d’initiative individuelle, que pour frapper la bourgeoisie, tous les jours doivent être des Premier Mai, à moins que tu ne préfères le plomb à la liberté ! De même que seule, ta cervelle doit te fournir le mot d’ordre qui assigne ton rang dans la lutte.

Vive la libre initiative !

À-bas les organisations !

À-bas les organisateurs !

À-bas les moralistes-jugeurs !

Conrad Frölich .
In Le Communiste, n°5, Angleterre, 23 avril 1892.

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