Depuis quelques années, le quartier de St. Henri subit des changements importants: une promenade le long de la rue Notre-Dame vous amènera face à des nouveaux restos gourmands, des magasins des vêtements de mode, des galeries d’art, et des «drinkeries» accueillant les résidents des condos qui bordent le canal, et remplaçant des marchés aux puces et des magasins d’aubaines.
Bien que la gentrification d’un quartier est bien plus que de nouveaux commerces et de belles vitrines, nous avons décidé de rendre notre dégôut pour l’embourgeoisement en vandalisant deux entreprises exemplaires avec des extincteurs remplis de peinture. L’une est le salon de barbier de luxe Notorious, avec les patrons fiers de porter des ensembles de Versace, qui offre des services comme le rasage doré à $1000; l’autre est Campanelli, un coffee-shop et un magasin de mode de luxe qui arbore également une fresque de Louis Cyr, ancien flic et figure “héroique” dans l’histoire du quartier. Connu en tant qu’homme fort, il fut enrôlé dans les services de police de Montréal afin de pacifier l’indomptable Village des Tanneries, où se trouve Campanelli aujourd’hui. Cyr fut incapable de rétablir la loi et l’ordre, et a été frappé et dégagé du quartier par les habitants au début de sa carrière. Le choix de Campanelli de glorifier cette figure est révélateur sur la façon dont cette entreprise se voit dans le quartier, et est un exemple classique sur la manière dont les histoires locales sont déformées afin d’effacer toute trace de résistance et valoriser la conformité et la docilité. Nous espérons que l’avenir de Campanelli soit semblable à celui de Cyr: un échec.
Ces commerces participent activement à la “revitalisation” du quartier, contribuent à repousser les pauvres et les travailleurs-euses précaires pour favoriser la venue de jeunes bobos ayant des revenus considérables et qui sont toujours à la recherche de la nouvelle tendance, autant en terme de nourriture, de bière, de mode vestimentaire que de quartier. Dans l’incapacité de se permettre de payer le nouveau coût de la vie, subissant en plus le harcèlement policier qui contribue au projet de nettoyage des rues en repoussant les indésirables de plus en plus loin du centre-ville et des aires centrales, les travailleurs-euses précaires, sans-emploi ou autres marginaux de la société se retrouvent toujours perdant-e-s dans ce processus de “revitalisation”.
Nous percevons aussi cette action comme prenant part à la lutte contre le colonialisme et en solidarité avec l’autodétermination et la souveraineté autochtones. Alors que nous reconnaissons que notre lutte à Montréal, terre autochtone occupée, n’est en aucun cas comparable aux luttes autochtones dans sa forme ou son contenu, nous avons engagé cette action en solidarité avec celles et ceux qui luttent contre des projets d’exploitation chez eux, tels que la construction des gazéoducs et autres systèmes d’extraction de ressources naturelles.
Nous pensons que l’une des meilleures façons d’agir en solidarité est de lutter dans notre propre contexte contre des ennemis communs: les forces de répression et de déplacement de population, y compris le capital et la police. En ce sens, inspiré-e-s en partie des luttes contre les menaces envers le territoire et l’eau des terres ayant déjà été volées aux peuples autochtones, des menaces qui perpétuent un processus sans fin de colonisation et de génocide des peuples autochtones au Canada, nous avons attaqué les forces qui nous aliènent toujours plus à ce qui nous entoure et qui nous dégage des espaces dans lesquels nous habitons.
Quelques anarchistes
[Publié le 23 nov. 2014 sur le Chat Noir Émeutier. Revu du communiqué en anglais publié sur Anarchist News le 22 nov. 2014.]