Changer l’environnement pour changer l’homme. Voilà le vieux rêve que chérit l’architecte. Cette illusion sous-jacente se manifeste dans quasi n’importe quelle application architecturale. Une ligne droite part de la prison qui devait déshabituer l’homme de ses inclinations criminelles jusqu’aux gares hyper-modernes qui sont supposées entraîner l’homme dans la circulation marchande toujours plus rapide, efficace et harmonisée.
Nous voulons faire la tentative ici de décortiquer la métropole-en-devenir de Bruxelles.Jeter un regard critique sur les nombreuses transformations spatiales et dresser une esquisse analytique des rapports sociaux qui à la fois en sont à la base et sont influencés par elles. Quelque part, une autopsie des projets, allant de la construction d’une maxi-prison en passant par des centres commerciaux à l’aggrandissement de la zone européenne, que le pouvoir est en train de développer et qui modifient et modifieront considérablement l’espace dans lequel nous survivons et luttons.
De l’introduction…
La construction prévue de la plus grande prison de l’histoire belge sur le sol bruxellois n’est pas un fait isolé. Cette construction fait d’un côté partie du plan général de restructuration de la capacité carcérale de l’Etat belge, avec la construction de pas moins de 9 nouvelles prisons au total, et de l’autre côté, elle est un élément important dans le réaménagement de Bruxelles.
Ce réaménagement est un projet aux contours très vastes, correspondant à deux principes généraux : adapter la ville de Bruxelles, ce métropole en devenir, aux besoins de l’économie et du contrôle. Comme le texte que nous présentons ici explore, ce réaménagement a une importante composante urbanistique. Le pouvoir réorganise et restructure l’espace dans lequel nous survivons et luttons : en réaménagement le soi-disant « espace publique » (les rues, l’éclairage public, les places), en construisant des commerces, immeubles, appartements, bureaux qui doivent attirer une couche plus aisée de la population ou changer les habitudes jugées « nuisibles », en renforçant le contrôle par l’implantation de vidéosurveillance ou la construction de nouveaux postes de police, en accentuant la répression par la construction de nouvelles prisons.
Lutter contre la maxi-prison, s’est donc lutter contre un aspect fort emblématique du grand offensif du pouvoir à Bruxelles (et, suivant des chemins similaires, ailleurs). La maxi-prison est un élément important dans cette offensive, car si elle serait construite, elle fera peser sa menace sur tout le monde. Tout comme l’ombre des grands tours où se réunissent les eurocrates et les capitalistes, des centres commerciaux qui ressemblent à des cimetières sociaux où l’absence de vraie vie indique la pourriture de ce monde, des lofts et des magasins de luxe qui marquent l’abîme qui divise cette société en riches et en pauvres, l’ombre de la nouvelle prison pèsera sur tout le monde, qu’on se trouve à son intérieur ou à son extérieur.
Si on comprend la construction de la maxi-prison comme un élément précis dans la vaste offensive du pouvoir, on n’aura pas de mal à trouver des chemins pour mettre les bâtons dans les rouages des autorités. Nous ne pensons pas qu’on puisse « se défendre » contre cette offensive, il faut la dépasser en passant nous-mêmes à l’assaut. Le pouvoir ne s’arrêtera devant rien pour tenter de museler ceux d’en bas, de nous écraser, de nous soumettre à un contrôle totalitaire, de nous enfermer dans les prisons ou dans les couloirs carcérales de la métropole. C’est bien pour cela que c’est aujourd’hui et maintenant qu’il faut faire un saut et passer à l’attaque. Tout chantier du pouvoir, que ce soit celui de la future maxi-prison, d’un centre commercial, d’un chemin de fer, d’un commissariat, d’un centre d’entreprises, de logements de luxe,…, est un cible pour celui qui ne compte pas se laisser soumettre. Face à l’offensive vaste et violente du pouvoir, nous pensons qu’il faudrait agir en partisans, derrière les lignes, pour semer le chaos dans ses rangs, pour perturber sa marche radieuse vers un contrôle totalitaire, pour saper les murs qu’il est en train d’ériger autour de nous tous.
Le combat contre la maxi-prison est donc un vaste combat qui prend dans sa ligne de mire les multiples aspects de cette offensive répressive du pouvoir. C’est un combat qui n’a pas de centre auquel accourir, ni de lieu symbolique devant lequel s’amasser : c’est un combat diffus, chacun et chacune scrutant avec ses propres yeux l’horizon pour court-circuiter les réalisations du pouvoir, partout dans la ville et ailleurs. Ainsi, ce combat contient une possibilité que tout pouvoir craint : celle d’une diffusion incontrôlable des hostilités.