Angry Brigade – Elements de la critique anarchiste armée en Angleterre

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Dans la nuit du 12 janvier 1971, la couverture du Times est explicite : « Deux bombes ravagent la maison de Carr un jour de protestation ». Robert Carr était à l’époque le ministre de l’emploi du gouvernement Heath, conservateur, fraîchement élu. Il était responsable du projet de loi sur les Relations Industrielles, adopté un peu plus tôt dans la journée, et provoquant de nombreuses manifestations ouvrières.

Cette attaque directe sera revendiquée par un groupe nommé « Angry Brigade » dans un contexte de tension sociale généralisée tel que l’Angleterre n’en a plus connu depuis ; au moment où dans toute l’Europe et sur tous les continents, de nombreux groupes s’organisent pour attaquer physiquement les structures du capitalisme et un certain ordre moral que les années 68 n’auront pas réussi à mettre en pièce. Des vagues de protestations massives apparaissent un peu partout, une jeunesse désillusionnée par un système qui ne cesse de se doter de moyens toujours plus efficaces pour broyer les individus et fossoyer les rêves d’un autre monde, mais une jeunesse exaltée par la perspective d’une transformation radicale de l’existant. (4eme de couverture)

Livre au format 15,5×23,5, 108 pages. 5€ (4€ à partir de trois exemplaires). Achevé d’imprimer en juillet 2012. On pourra se procurer des exemplaires en librairie, dans des lieux ou en nous contactant, mais aussi, nous cherchons des personnes pour assurer la distribution dans leur ville ou région.

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Table des matières
• Avant-propos
• Refuser les carcans d’une lutte délimitée par l’Etat (Jean Weir)
• Communiqués
• The angry years – Documents et chronologie
• Annexe: Une occasion de réflexion (Antonio Gizzo)

Une occasion de réflexion

En publiant cet opuscule sur la Angry Brigade, groupe armé d’inspiration libertaire apparu au début des années 70 en Angleterre, nous pensons offrir aux compagnons une autre occasion de réflexion et, pourquoi pas, de discussion sur le problème de la violence et de la lutte armée. Dans le mouvement anarchiste international l’usage de la violence a toujours créé de la division et soulevé des guêpiers de polémiques souvent accompagnées d’excommunications qui dans certains cas se sont jetés directement dans la délation.


Toutefois les divergences naissent sur les temps et les méthodes ; ni d’un coté ni de l’autre, en fait, on n’est jamais arrivé à exclure en termes catégoriques le recours à la violence.

Mais cette façon de poser le problème ne fait qu’augmenter la confusion.
Qui, et avec quel critère, décide de la pertinence des temps et des lieux de l’usage de la violence ? Certains soutiennent qu’il n’y a de sens d’utiliser la violence que dans une situation pré-insurrectionnelle, avec les masses sur le pied de guerre. C’est peut être vrai. Mais il ne me semble pas qu’il puisse se trouver quelqu’un en mesure d’établir avec une certitude absolue quand une situation est pré-insurrectionnelle et quand au contraire elle ne l’est pas. Et puis, je trouve absurde, autoritaire, ridicule cette prétention mystique de vouloir annuler l’individu pour le soumettre à la « volonté populaire », à cette abstraction qui rappelle à l’esprit la « volonté de dieu ». Si je veux réaliser une action individuelle je ne veux certainement pas demander la permission aux masses, aussi parce qu’il ne me semble pas que les masses aient conclu des accords avec les anarchistes sur la date de la révolution. Il ne me semble pas non plus que l’Etat ait momentanément renoncé à sa violence scientifiquement organisée pour que les anarchistes aient le temps nécessaire afin de réussir à convaincre les masses de se soulever.

Et alors il ne tient qu’à nous, seulement à nous, de décider quand et comment frapper l’ennemi, quand et comment répondre aux attaques de l’Etat. Parce que l’oppression et l’exploitation sont une donnée permanente, et non occasionnelle.

Et il ne suffit pas d’un masque démocratique et permissif pour dissimuler cette réalité et pour faire oublier qu’une minorité criminelle, qui détient le monopole de la violence, a pouvoir de vie et de mort sur nous tous. J’avoue que j’arrive de moins en moins à comprendre les raisons de la division existante dans le Mouvement sur la question de la violence, pour la simple raison que je ne connais pas un seul anarchiste critique sur ce point, qui dans l’exercice de la violence verbale ne soit pas fort et féroce au moins autant que ceux qui ne l’envisage pas comme lui. Mais celui qui tire à boulets rouges sur les patrons, les politiciens, les juges, les flics, les scientifiques, les prêtres et combien d’autre encore, doit être conscient aussi du fait qu’il y a toujours quelqu’un pour le prendre à la lettre et qui agit en conséquence.

Celui qui souffle sur le feu ne peut pas ensuite s’en tirer en disant « tout cela était une blague ». Parce que dans la violence verbale, c’est bon de le savoir, la suggestion de frapper les personnes et les choses qu’on désigne est implicite. Dans le cas contraire, l’écriture et les mots deviennent un succédané de l’action ; un exutoire à ses frustrations ; un hymne chanté à tue-tête à son impuissance. Mais je ne veux pas penser que la violence verbale qui déborde de tous les journaux anarchistes existants est seulement un fleuve de bile sur les eaux duquel flottent des âmes mortes.

Une choses pourtant doit être claire : les discours plaintifs contre celui qui utilise la violence, produits par ceux qui aiment se mesurer seulement à la violence verbale, sont fastidieux et mesquins, et font apparaitre chez les autres le légitime soupçon qu’ils sont seulement dictés par l’instinct de conservation, le même qui pousse à décréter l’isolement vis-à-vis de ceux qui ont des positions jugées déviantes et dangereuses par rapport à la « ligne » du mouvement officiel.

Mais ceux-là évidement ne savent pas qu’il existe également une manière intelligente et éthiquement irréprochable, de ne pas être d’accord avec celui qui utilise aussi la violence. Il suffit de se taire. Voilà tout. Comme ça on ne court même pas le risque de tomber dans la délation, qui reste de la délation même lorsqu’on veut la faire passer pour une « position différente ».

Entendons-nous bien. Je ne suis pas en train de dire que celui que n’approuve pas l’usage de la violence dans les temps et les manières qui selon lui sont erronés, doit s’abstenir de manifester publiquement son opinion. Mais une chose est d’exprimer les raisons de son désaccord de façon raisonnée et même polémique, une autre est de se dissocier publiquement à travers des communiqués écrits avec l’air de celui qui semble avoir pris rendez-vous avec la révolution, desquels transparait la présomption de savoir quand il est juste de recourir à la violence.

Mais quel est le problème d’avoir une opinion différente de celui qui utilise des méthodes qu’on ne partage pas, et de la manifester publiquement ?, observait une fois un compagnon, en rien stupide.
Sainte ingénuité ! La dissociation n’est jamais une « opinion différente ». Parce que s’il est vrai que les flics ne peuvent pas savoir tout de tous, parce que par chance ils ne sont pas encore arrivés à lire dans la pensée, il est aussi vrai que, grâce à leur travail normal d’investigation et de contrôle, et grâce à la lecture de nos journaux, ils ont acquis une connaissance suffisamment claire et précise, soit sur la nature des rapports et des contacts entre les groupes et les individus agissants dans les différentes réalités du mouvement, soit sur la façon de se positionner de ceux-ci vis-à-vis de l’usage de la violence.

Quel est le rapport avec le discours que nous avons ? Il y a un rapport, il y a un rapport… si dans une ville quelconque est accomplie une action revendiquée par les anarchistes et que quelqu’un fait un communiqué de dissociation, pour les raisons évoquées ci dessus, cela équivaut à dire à la police : « ce n’était pas nous, allez chercher de l’autre coté… », c’est-à-dire parmi ces groupes et ces individus qui ne se disent pas opposés à la violence.

Comme on le voit, il peut y avoir des délateurs même de bonne foi.
Mais celui qui le fait assume quand même une grave responsabilité : celle de donner les compagnons en pâture à la répression.

Antonio Gizzo

[Extrait de “The Angry Brigade, 1967 – 1984. Documenti e cronologia”, édité par “Il Culmine”/GAS – Infinita, avril 1995. Traduit de l’italien par Ravage Editions et publié en annexe du livre Angry Brigade – Elements de la critique anarchiste armée en Angleterre.]

http://www.non-fides.fr/?Une-occasion-de-reflexion